Entrer dans une université lorsque vous êtes une femme au Japon relève déjà du parcours de la combattante. On savait que des facs de médecine avait falsifié des résultats pour réduire le nombre de candidates accédant à ces études.
Mais si vous arrivez à passer ce premier barrage, vous risquez aussi d'être considérée comme un bout de viande consommable. C'est le message que fait passer le magazine japonais Spa!.
Dans son numéro du 25 décembre, il a établi un classement des cinq universités où les filles sont "facilement accessibles". Il donne également des conseils pour convaincre les filles d'avoir des rapports sexuels avec eux.
Tout cela en faisant référence à la pratique du gyaranomi, des soirées de beuverie où des femmes sont payées pour y participer. Le magazine est allé voir les développeurs d'une application qui met en lien hommes et femmes pour ces soirées pour faire son classement.
Depuis, Spa! s'est excusé dans un communiqué cité par la BBC : "Nous aimerions nous excuser d'avoir utilisé un langage sensationnel pour attirer l'attention des lecteurs sur la façon dont ils peuvent devenir intimes avec les femmes et pour avoir créé un classement... avec de vrais noms d'université... qui a abouti à un article qui peut avoir offensé les lecteurs."
Mais ces excuses ne sont pas venues toutes seules. Il a fallu qu'une étudiante de 21 ans de l'International Christian University à Tokyo, Kazuna Yamamoto, lance une pétition qui réunit à ce jour plus de 40 000 signatures.
Elle écrit : "J'aimerais me battre pour que l'on mette fin à la sexualisation, à l'objectivation et au manque de respect des femmes, surtout dans le cas d'articles publics comme celui-ci. Nous demandons à Shuukan Spa de retirer cet article, de s'excuser et de promettre de ne pas utiliser des mots objectivants pour parler des femmes."
Elle en ajoute une couche : "Cette sexualisation des femmes n'est pas drôle."
Kazuna Yamamoto donne la vérité crue sur les violences sexuelles dans son pays : "Au Japon, selon une étude réalisée par le ministère de la Justice, seulement 18,5% des femmes signalent des agressions sexuelles ou des viols. Qu'en est-il des 81,5% restants ? Elles ne parlent pas. Elle ne peuvent pas parler."
Avant d'ajouter : "Pourquoi ? Parce que l'agression sexuelle, des hommes ordinaires qui vous touchent les fesses dans les transports publics, le fait d'avoir leur entrejambe dans les fesses, le viol, sont des choses auxquelles les femmes doivent faire face. Parce que nous utilisons des filles mineures en bikini pour accomplir le fétiche de ceux qui aiment les visages de bébés. Parce qu'on idolâtre les jeunes filles. Car honnêtement, la société n'a pas changé depuis l'époque des femmes de réconfort. Parce que les hommes et les femmes ne croient pas que nous valons autant que les hommes."
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, l'armée japonaise utilisait en effet des femmes des pays envahis pour qu'elles servent de "femmes de réconfort", autrement dit qu'elles soient violées par ses soldats.
Dans une vidéo traduite par le Japan Times, elle recense d'autres articles inacceptables du même magazine masculin comme : "Les caractéristiques d'une femme qui couche facilement" et "Les types d'alcool à utiliser pour avoir des rapports sexuels avec une femme."
Elle répond au magazine : "Avoir une fille inconsciente ou incapable de prendre des décisions pour que vous puissiez avoir des rapports sexuels avec elle s'appelle un viol [...] Et si votre fille allait dans une des écoles (mentionnées dans l'article) ? Et si le camarade de classe de votre fille lisait l'article sur l'alcool pour la saouler et la rendre inconsciente ?"
Elle finit par lancer un appel aux médias japonais pour un plus grand respect des femmes : "Nous exigeons que les médias cessent d'utiliser des mots pour discriminer les femmes, les objectiver, leur manquer de respect et les sexualiser. Élevons la voix parce que j'en ai assez de cette société où les femmes sont des objets."