Tout a commencé en 2004, avec un sketch de Mo'Nique. Dans « Skinny bitches », l'humoriste américaine, connue pour son humour provoquant et sa silhouette XXL, s'en prend férocement aux filles minces et explique au public hilare que les filles avec un IMC inférieur à 20 sont le mal incarné. « Skinny women are evil », clame-t-elle dans la vidéo, qui est depuis devenu un livre, vendu à des milliers d'exemplaires aux États-Unis.
Si la première intention de Mo'Nique en réalisant ce sketch était louable - déculpabiliser les filles rondes en leur faisant fièrement assumer leurs formes -, il a fait naître un autre phénomène, tout aussi humiliant et cruel que le celui qui consiste à se moquer des personnes en surpoids : le skinny bashing, à savoir l'acharnement systématique à l'encontre des filles naturellement minces. Celles qui ne sont adeptes ni du mouvement « pro ana », ni de la mode du « thigh gap », mais qui restent fines sans faire de régime ou se soumettre à une cure intensive de sport.
Si la France est encore - du moins en apparence - relativement épargnée par le phénomène du skinny bashing, il est déjà bien établi aux États-Unis. Comme les obèses, régulièrement pris pour cibles de blagues méchantes et cruelles, les personnes sveltes sont elles aussi victimes de harcèlement car considérées comme « trop maigres », et traitées de « sacs d'os » ou « d'anorexiques ». En témoignent les dizaines de vidéos hébergées par YouTube et que l'on retrouve avec les mots clés « skinny women are evil » ou « skinny bitches ».
Ou encore les dizaines Tumblr où fleurissent des images mettant en compétition pulpeuses et longilignes, et qui sont en réalité un prétexte pour s'en prendre aux filles minces. L'une de ces montages photo accole « La société craint », affirme un montage photo, qui se demande pourquoi une fille comment la mannequin Eva Herzigova - qui n'apparaît pas à son avantage - a pu devenir un objet de fantasmes face à la pulpeuse et glamour Marilyn Monroe.
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Parce que le phénomène du skinny bashing est aussi dégradant et honteux que celui du « fat shame », et que les filles enrobées ne sont pas les seules à souffrir du regard des autres et de leurs remarques désobligeantes, les petits gabarits sont, depuis quelques mois, montés au créneau, et ont trouvé en Dana Oliver une porte-parole. Début septembre, cette journaliste beauté au Huff Post Style a publié un long billet qui dénonce le dénigrement, voire l'hostilité dont sont victimes les filles minces. Et d'évoquer son histoire personnelle, où elle explique que les moqueries sur ses jambes « bâtons » (« sticks » en anglais) quand elle était enfant l'ont pendant longtemps empêchée de se sentir épanouie. « Je me sentais honteuse d'être maigre », raconte-t-elle. « J'ai grandi dans le Sud profond des États-Unis, j'ai toujours été entourée de femmes aux formes épanouies, dont beaucoup sont des membres de ma propre famille, et pas une seule fois je ne me suis sentie moins féminine parce que je ne possédais pas une silhouette harmonieuse. Pourtant, je continue à être victime d'humiliations quotidiennes parce que je suis maigre. Quand, par exemple, l'assistant de mon médecin me force à passer un électrocardiogramme parce que ma taille et mon poids ne correspondent pas à l'idéal qu'on lui a enseigné à l'école de médecine, ou que l'on me fait des compliments détournés pour me dire que je suis "horriblement maigre", cela me rappelle que mon poids a toujours été un sujet brûlant. Mais ce que tout le monde semble oublier, c'est que c'est mon corps et que je suis en bonne santé : alors pourquoi toutes ces critiques ? »
La réaction de Dana Oliver face à l'acharnement dont sont victimes les filles jugées trop maigres est loin d'être isolée. Sur Internet, se multiplient les posts de blogueuses qui dénoncent elles aussi la cruauté des remarques qu'elles doivent quotidiennement subir sur leur silhouette. Quant à la page Facebook « Stop the skinny bashing », si elle ne regroupe que 1 300 membres, les messages laissés par les internautes, qui relatent les remarques peu flatteuses dont elles font régulièrement l'objet, laisse peu de doutes sur l'ampleur du phénomène. À l'heure où chaque écart de poids, que l'on soit considérée comme « trop grosse » ou « trop maigre » est sujet à moqueries et humiliations - la « Fat Shaming Week » en est la triste illustration - de nombreuses internautes ont rappelé cette semaine sur Twitter sous le hashtag #BodyConfidenceWeek que le meilleur moyen pour être heureuse et résister aux viles attaques, c'est d'aimer son corps exactement comme il est.
It should be #BodyConfidenceWeek every day!
— Steph Kalwack (@pepparshoes) November 6, 2013
Each body is unique. That's why each body should be loved for what it is. #BodyConfidenceWeek
— Coline Peyrony (@ColinePeyrony) November 5, 2013
If you can breathe, smile, think, create, move & make other people do so, then your body is wonderful, whatever the fat #BodyConfidenceWeek
— Audrey Riss'r (@EthelDrey) November 5, 2013
#BodyConfidenceWeek Les regards des autres vous enchaînent, seul le vôtre peut vous libérer.
— Crazyquill (@Crazyquill) November 3, 2013
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