Ce sont les petits pas qui font les grandes avancées. Au Soudan, les mouvements de protestation qui éclataient il y a un an afin de déstabiliser le régime du dictateur Omar Al-Bachir (finalement renversé en avril dernier) ont abouti ce 2 décembre à l'abolition d'une loi plutôt édifiante : celle dite "d'ordre public", qui interdisait, entre autres, aux femmes de porter le pantalon ou de danser - répression à l'appui. Une victoire pour les citoyennes qui se battent pour leur liberté.
La liberté des citoyennes ? C'est tout l'inverse que promulguait cette loi d'ordre public, comme l'énonce le Washington Post. Les femmes vêtues d'un pantalon (ce vêtement trop "masculin) ou surprises en train de danser pouvaient être condamnées à des amendes, emprisonnées ou encore faire l'objet d'une quarantaine de coups de fouet. Pour le pouvoir (patriarcal), c'était une manière comme une autre d'exploiter la gent féminine en contrôlant et meurtrissant leur corps, sous prétexte "d'actes immoraux" ou de "tenue indécente".
"Cette loi est réputée pour son usage comme outil d'humiliation et de violation des droits. Beaucoup l'ont employé à des fins d'exploitation financière et psychologique", a expliqué sur Twitter Abdallah Hamdok, le Premier ministre du Soudan. L'espace d'une publication, le politicien fustige les maux qu'a engendré cette loi d'"ordre public" qui n'a "d'ordre" que le nom. "Beaucoup de femmes se sont vues confisquées leurs biens et ont été victimes de préjudices inoubliables", déplore encore Abdallah Hamdok.
Des accusations largement appuyées par le Washington Post, qui évoque même des cas de lapidation. Cette loi était avant tout un outil pour restreindre le plus possible les droits des femmes, "de ce qu'elles portaient à où elles allaient, ce qu'elles étudiaient et où elles travaillaient". Le tout exécuté par la "justice" expéditive d'autorités laissant libre cours à leur violence.
"Un policier pouvait décider qu'il n'aime pas la robe que porte une femme et l'emmener immédiatement au tribunal", explique en ce sens la professeure à l'université de Khartoum (la capitale du Soudan) Sara Abouh. Selon elle, cette loi "ne respectait pas du tout les femmes".
Aujourd'hui, le Premier ministre du gouvernement de transition salue cette abolition. Et en profite pour rendre hommage "aux femmes et aux jeunes qui ont subi ces atrocités" par le passé. A l'écouter, cette décision marque "l'avènement d'une nouvelle ère". Comprendre, le signe d'un changement sociétal majeur, après trente années passées à subir le régime répressif du despote Omar Al-Bachir. On aimerait y croire.
Pourtant, il ne fait toujours pas bon être une femme au Soudan. Comme le rappelle le Washington Post, "la société soudanaise reste profondément conservatrice". Au-delà des lois discriminatoires qui perdurent (portant autant sur les codes vestimentaires que sur les diktats moraux), il demeure encore difficilement concevable pour une Soudanaise de devenir juge ou ministre - le gouvernement d'Abdalla Hamkok ne compte que quatre ministres femmes. De plus, l'éloquence des femmes au sein des manifestations a beau avoir marqué l'opinion populaire, leurs voix sont encore cruellement marginalisées "lors des discussions entre les responsables des manifestations et les militaires". C'est une violence systématique qui perdure, aussi bien physique que politique.
Et pourtant, cette révolution est la leur. C'est d'ailleurs ce que souligne à Franceinfo la Soudanaise Awadeya Mahmoud, récompensée à Washington par un Woman of Courage Award, couronnant son engagement : "Certains problèmes sont profondément enracinés. C'est à nous de les déraciner. Cette révolution nous appartient, à nous les femmes".