Le 9 janvier dernier, la joueuse évoluant au poste de défenseuse dans l'équipe de Reims Magou Doucouré a été victime d'insultes sexistes et racistes alors qu'elle affrontait Lens en Coupe de France. Dans les colonnes de L'Équipe, elle dénonce l'incident, ainsi que l'inaction complice de nombreuses personnes.
La jeune femme de 21 ans se souvient que tout a commencé "au début de la seconde période". D'abord, elle entend "Numéro 3, prépare-toi mentalement !". "Jusque-là, rien d'anormal", estime-t-elle. "C'est digne de supporters qui veulent charrier". Seulement, dans les gradins, on ne s'arrête pas là. "Plus les minutes passent, plus il y a du harcèlement", poursuit Magou Doucouré. "Je me disais : qu'est ce que j'ai fait pour qu'on s'en prenne à moi ?"
Elle rapporte des insultes d'abord à caractère sexiste, "que je condamne fermement, comme toute forme de discrimination", martèle la footballeuse. "Numéro 3, sale connasse, nique ta..., tu te fais t... dans tous les sens", se rappelle-t-elle. "C'était déjà choquant. Mais, ensuite, j'ai entendu : 'Numéro 3, enlève ta perruque, retourne chez toi, retourne dans ton pays !' Et, à ce moment-là, je comprends pourquoi on s'en prend à moi..."
Magou Doucouré évoque ce qu'elle ressent. "Toutes les émotions se sont mélangées. Je jouais en pleurant. Au moment où on obtient un penalty, je reste dans le rond central, je suis accroupie et je pleure. J'essuyais mes larmes tout en me retenant de pleurer à nouveau. Je me sentais tellement seule... Un sentiment inexplicable. Ça a duré, duré. Et encore, de cet homme, j'entends très distinctement des : 'Rentre chez toi ! Rentre dans ton pays !' J'ai appris ensuite que, devant la police, des stadiers avaient expliqué qu'ils avaient entendu des cris d'animaux aussi..." Des attaques verbales contre laquelle elle a porté plainte.
"J'ai du mal à poser des mots sur ce que je ressens", confie encore la joueuse à L'Equipe. "Cela m'a traumatisée. Ce sont des choses que j'avais vues dans d'autres stades ou en dehors de la vie sportive, mais je ne l'avais jamais vécu. On peut toujours imaginer ce que la victime a ressenti, mais on ne peut pas se mettre à sa place. La nuit qui a suivi, je n'ai pas réussi à dormir. Je l'ai passée à cogiter, à pleurer. Depuis, c'est la même chose. Je ne dors pas et j'essaie de comprendre." Car elle l'affirme : "La sensation que j'ai, c'est d'être incomprise."
Alors, elle entend faire réagir. Dans une lettre publiée sur Twitter et adressée à "l'Humain doté d'une raison", elle lâche : "Arrêtez de faire les aveugles !".
"Je voulais une réelle prise de conscience", commente-t-elle ensuite dans le journal. "Ça s'adresse à toutes les instances, qu'elles soient politiques, juridiques, sportives, éducatives. Je voulais et je veux toujours aussi m'adresser aux joueurs, aux joueuses, aux coaches, aux délégués, aux arbitres, aux supporters, aux stadiers. Je veux dire : ce qui s'est passé, on l'a tous vu, tous entendu. Et ce jour-là, j'avais l'impression que j'étais seule."
Et de conclure, percutante : "Tout le monde dit : stop au racisme. Mais personne, ou très peu de gens, ne mène des actions concrètes. J'ai envie de leur dire : vous voyez mais n'agissez pas !"