Après s'être opposés au mariage pour tous et avoir défilé contre le droit à l'avortement, les catholiques intégristes de Civitas sont à nouveau en croisade. L'objet de leur courroux, cette fois-ci ? La fameuse « théorie du genre » qu'ils présentent - à tort - comme une négation du sexe biologique. Et il y a un film, en particulier, qui cristallise la psychose du groupuscule catholique : Tomboy. Sorti en salles il y a trois ans, acclamé par la critique et récompensé à la Berlinale de 2011, le film de Céline Sciamma raconte l'histoire de Laure, une fillette d'une dizaine d'années qui se fait passer pour un garçon auprès de ses nouveaux voisins.
Tomboy dans le viseur de Civitas
Passé inaperçu lors de sa sortie sur les écrans, Tomboy est dans le viseur de Civitas depuis que l'Éducation nationale a décidé, en 2013, de le faire figurer au programme d' « École et Cinéma ». Ce module facultatif permet aux élèves de CE2 au CM2 d'être initiés à la culture cinématographique en découvrant des productions anciennes et d'autres plus récentes. La Belle et la Bête de Jean Cocteau ou Ponyo sur la falaise de Hayao Miyazaki font notamment partie du programme « École et Cinéma ».
Comble du comble pour Civitas : alors que près de 20 000 personnes ont déjà signé une pétition en vue d'interdire la projection de ce film dans les écoles », précise l'institut sur son site, Tomboy sera diffusé ce soir à 20h50 sur Arte. Civitas appelle donc à la mobilisation contre la diffusion du film qui « fait du prosélytisme en faveur de l'idéologie du genre ».
Quand est-ce qu'on arrêtera de payer nos impôts et taxes pour ces dégénérés d'#Arte ?
— Civitas Jeunesse (@CivitasJeunes) 22 Octobre 2013
Sur son site Internet, les membres de Civitas se sont fendus d'un long billet dans lequel ils appellent « les familles françaises à réagir et à empêcher la diffusion de ce film de propagande pour l'idéologie du genre. Ce film ne répond pas à la mission d'Arte qui est de "concevoir, réaliser et diffuser des émissions de télévision ayant un caractère culturel" ». Et d'appeler ses membres à « protester poliment mais fermement » en contactant le siège d'Arte par téléphone, fax ou e-mail. « Si un grand nombre de familles françaises prend les quelques minutes nécessaires pour protester auprès d'Arte, ce sera en même temps un signal fort pour dénoncer le scandale qui consiste à diffuser ce film dans les écoles », conclue-t-il, avant de publier les noms, prénoms, adresses e-mail et numéros de téléphone de plusieurs responsables d'Arte France.
Interrogé par 20Minutes, le directeur du cinéma chez Arte France, Olivier Père, a déclaré que « la programmation de Tomboy n'est pas du tout liée à la polémique récente » autour du film. « On le diffuse à cause de la Berlinale, où il avait été découvert, au même titre que l'on diffuse Une séparation ou Confessions d'un homme dangereux. C'est décidé depuis très longtemps. » Mais, concède-t-il, la programmation du film pour Arte est une « coïncidence heureuse, du moins intéressante. Car elle permettra aux gens de se faire une opinion, pour décider d'eux-mêmes si ce film est choquant, offensant, ou même de parti-pris », explique-t-il. Avant d'ajouter : « De notre côté, il n'y a rien de militant. On est militants pour les bons films et le cinéma d'auteur. Il ne s'agissait pas d'instrumentaliser la diffusion pour faire un débat social ou politique. Le film vaut beaucoup plus que ça. Céline Sciamma s'inscrit dans la lignée d'un François Truffaut avec ses films sur l'enfance comme Les 400 coups ou L'argent de poche. »
Malgré les nombreux appels reçus au siège d'Arte France, la chaîne culturelle a donc décidé de maintenir la programmation de Tomboy ce soir. Il n'est pas non plus prévu que l'Éducation nationale retire le film de son programme « École et Cinéma ».