"Nadège violée à 9 ans, violée à 35 ans. Stop à la prescription. Stop aux violences sexuelles". On ne peut guère faire plus clair que cette publication poignante de l'actrice Nadège Beausson-Diagne. Sur ses réseaux sociaux, la comédienne, violée durant son enfance, en appelle (photo à l'appui) à la levée du délais de prescription pour les victimes et à l'entrée dans la loi française de l'amnésie traumatique. Mais qu'est-ce donc ?
L'amnésie traumatique, c'est ce processus psychique par lequel les souvenirs d'un viol ou d'une agression sexuelle se voient refoulés au plus profond de la conscience de la victime. D'où la qualification factuelle "d'amnésie". Un "oubli" bien souvent exacerbé par la teneur du traumatisme vécu. Or, ce phénomène, pourtant courant chez les victimes, n'est pas pris en compte comme il le devrait au sein de la justice actuelle.
Un vide juridique auquel s'oppose Nadège Beausson-Diagne donc, mais également l'ancienne patineuse professionnelle Sarah Abitbol. En janvier dernier, Sarah Abitbol témoignait des agressions sexuelles et viols que lui a fait subir son ancien entraîneur alors qu'elle n'avait que quinze ans. Désormais, toutes deux interpellent le gouvernement français afin d'exiger une prise en compte plus nette des victimes.
"Nous appelons les victimes d'amnésie traumatique, d'inceste et de pédocriminalité à rejoindre ce combat collectif en se prenant en photo sur le même modèle", poursuit Nadège Beausson-Diagne sur Instagram, pancarte en mains et mots-clés éloquents en évidence : #StopPrescription, #AmnesieTraumatique.
"Sarah, violée à 15 ans, 11 ans d'amnésie, 30 ans de silence", peut-on ainsi lire sur l'écriteau de la patineuse professionnelle. Un message éloquent, qui évoque la nécessité (mais aussi la difficulté) de libérer la parole, quand pressions (personnelles et professionnelles), souffrance intime et amnésie traumatique s'entremêlent.
Une situation qui doit parler à bien des victimes anonymes. Il n'y a qu'à voir, pour s'en convaincre, le nombre considérable de témoignages (d'agressions, de viols, d'attouchements) engendrés par le hashtag #Iwas ("J'ai été..."). Au fil de ces milliers de voix, les situations les plus accablantes concernent majoritairement des viols subis durant l'enfance.
Mais aujourd'hui, c'en est trop. Au gré des nombreuses publications virales suscitées par le discours de Nadège Beausson-Diagne, la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité femmes/hommes Marlène Schiappa, mais également le secrétaire d'Etat chargé de la Protection de l'enfance Adrien Taquet, sont directement interpellés : on leur demande d'agir au plus vite, pour que le délais de prescription ne soit plus une impasse législative quand la justice doit être rendue à l'adresse de celles qui souffrent. Et afin que cela soit possible, l'amnésie traumatique doit être formellement intégrée aux plaintes pour violences sexuelles.
"Oui, il faut en terminer avec l'impunité. Imprescriptibilité pour tous les viols !", a réagi à l'unisson l'autrice Claudine Cordani, victime d'un viol en réunion durant son adolescence. L'imprescriptibilité des crimes sexuels et des délits sexuels aggravés en France, c'est ce que soutient ce Manifeste porté par par 28 associations et plus de 42 400 signataires. "Rendre justice, offrir une protection, des soins, un accompagnement social et des réparations aux victimes de pédocriminels, protéger tous les enfants, doit être une priorité", lit-on. A bon entendeur.