Bien que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin ait déclaré que "tout policier ou gendarme condamné pour violences conjugales" ne devait plus être en contact avec le public "dans l'attente d'une décision du conseil de discipline", le colonel Éric Steiger, condamné le 28 mai pour violences physiques et psychologiques commises sur son épouse Sophie, a été promu en juillet dernier au sein de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie, détaille une enquête du média en ligne Médiapart. Avant de finalement demander à être relevé de ses fonctions, annonce aujourd'hui le ministère de l'Intérieur, ce 20 août.
Eric Steiger, âgé de 48 ans, bénéficiait depuis juillet dernier des qualités de commandant, après une année passée en tant que commandant en second, en Nouvelle-Calédonie toujours. Or, en février 2020, le principal concerné écopait de six mois de prison avec sursis pour violences conjugales. Des faits qui se seraient déroulés entre novembre 2017 et juin 2018. Sa peine a finalement été réduite à 6 000 euros d'amende par la cour d'appel de Paris. Parmi les faits énoncés par son épouse, des violences physiques, mais aussi des violences verbales ("illettrée, saleté ou grosse conne", sont les insultes notamment rapportées par la victime).
"Au quotidien, j'étais la femme de l'ombre chargée de tout faire pour notre foyer et pour lui", a témoigné sa femme Sophie. "Il me dénigrait devant les enfants lorsqu'ils avaient des questions de culture en générale : 'Ne demandez pas à votre mère, elle ne sait rien'. Un soir, il m'a plaquée sur le lit, m'a étouffée de tout son poids. C'est notre fille aînée qui a dû intervenir pour qu'il s'arrête. J'ai perdu plus de dix kilos en six mois. J'ai été mise sous anxiolytiques. Je suis devenue l'ombre de moi-même. Je voulais mettre fin à mes jours et me jeter par la fenêtre", raconte-t-elle.
"Un autre soir il s'est rapproché de moi, nez contre nez, très énervé, pour m'envoyer des brimades, je bégayais. Je perdais ma respiration, de stress. Lorsqu'il me montrait ses dents, comme un chien enragé, il me faisait très peur car il était imprévisible. J'ai cru que j'allais y laisser ma peau", narre encore la victime, qui, un autre jour, aurait été plaquée contre une armoire, les poignets maintenus, la tête tordue, avant d'être empoignée dans sa cuisine.
C'est pour cela que, avant qu'Eric Steiger ne demande à être relevé de ses fonctions, trois parlementaires et la présidente d'une collectivité provinciale dénonçaient publiquement cette promotion en Nouvelle-Calédonie et en appelaient au départ du commandant.
"J'ai signalé aux plus hautes autorités de l'Etat que cette fonction était incompatible avec ce type de délit et qu'il fallait au plus vite prendre la décision de renvoyer ce colonel en métropole. Dans un pays où 22 % des femmes sont victimes de violences, la décision de changer la tête de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie ne doit pas souffrir d'une hésitation", avait ainsi déclaré Sonia Backés, présidente de la province Sud de Nouvelle-Calédonie. Les députés Philippe Gomes et Philippe Dunoyer ont notamment soutenu cet avis, précise Le Monde.
Sophie, l'épouse du commandant, ne comprenait donc pas la promotion de son agresseur : "Entendre les discours du ministre de l'Intérieur est une deuxième violence pour moi. Ce sont des paroles sans aucune mesure derrière. Les auteurs restent impunis ou sont promus. Comment un homme violent pourrait-il occuper un tel poste nécessitant une éthique irréprochable ? Comment un tel paradoxe pourrait-il se produire, étant donné l'ensemble des projets à l'initiative de la gendarmerie contre les violences conjugales ?", déplorait-elle à Médiapart.
"Le colonel Steiger a choisi de demander à être relevé de ses fonctions en Nouvelle-Calédonie. Le ministère de l'Intérieur a pris acte de cette décision", a indiqué ce 20 août le ministère de l'Intérieur dans un communiqué.