Quand on est une femme et que l'on vit en Afghanistan, pratiquer librement un sport revêt forcément une dimension symbolique. Treize ans après la fin du régime des Talibans, les acquis de la condition féminine en Afghanistan sont incontestables, mais ténus. Obligées de porter le voile, les femmes restent pour la plupart soumises à l'autorité d'un membre masculin de leur famille. Certains sports, comme la pratique du vélo, leur reste interdits car perçus comme une preuve de leur insoumission.
C'est dans ces conditions difficiles que Zainab réussi à concrétiser son rêve malgré les obstacles : courir le premier marathon officiel organisé au mois d'octobre à Bamiyan, en Afghanistan. Passionnée de course, la jeune femme de 25 ans a grandi dans cette région montagneuse du centre de l'Afghanistan, réputée être la plus sûre et libérale du pays.
Deux mois avant le top départ, le Guardian a suivi Zainab dans son entraînement quotidien et y a consacré un passionnant article. La jeune femme y raconte comment, en plus de l'indispensable préparation physique, elle et ses amies ont dû surmonter l'hostilité d'une partie de la population.
Participant au mois d'août avec trois autres jeunes femmes à un marathon non-officiel de la vallée de Paghman, à Kaboul, Zainab explique qu'à leur entrée dans la capitale afghane, elles ont été bombardées d'insultes pour avoir osé s'approprier un sport traditionnellement réservés aux hommes.
"Les enfants nous jetaient des pierres, et les adultes nous hurlaient des insanités du genre 'prostituées, pourquoi ne restez-vous pas à la maison ? Vous détruisez l'Islam'", raconte-elle, peinée. Les quatre femmes n'ont pas pu venir à bout de la course et après cette expérience, le père d'une de ses partenaires d'entraînement a interdit à sa fille de courir le marathon de Bamiyan.
Soutenue par sa famille, Zainab a elle continué de courir. Le 6 octobre dernier, et malgré le froid, elle faisait partie des coureurs sur la ligne de départ du marathon de Bamiyan. Elle décrit la sensation de liberté qu'elle a ressentie en parcourant les vastes plaines arides et escarpées et les petits villages balayés par le vent. Là-bas, voir une femme prendre part à un marathon n'a suscité que de la curiosité. Les éleveurs et les agriculteurs l'ont regardée passer, étonnés. Les enfants l'ont suivie avec enthousiasme. Seuls quelques coureurs masculins, visiblement énervés qu'une femme coure aussi bien qu'eux, l'ont accusé de tricher alors qu'eux-mêmes avaient parcouru une partie du marathon à moto.
À son arrivée, Zainab a été acclamée par des dignitaires locaux et une quarantaine de filles qui avaient participé à la course de 10 km. Le lendemain, la jeune femme a été reçue comme une star dans une école secondaire de la région. Elle y a encouragé les jeunes filles à participer à la prochaine course de 10 km qui aura lieu. Zainab considère en effet le sport comme un formidable outil pour pousser les femmes afghanes à défier les normes culturelles et à trouver leur place dans la société. "Quand j'ai postulé pour l'ultramarathon, j'avais un but : ouvrir la voie aux autres filles en Afganistan, notamment dans le domaine sportif", affirme Zainab.
Pourtant, l'engagement de la jeune femme est plus que symbolique dans ce pays où les droits des femmes sont encore balbutiants. Interrogée par le quotidien britannique, la fondatrice de l'association Free to Run Stephanie Case explique que la démarche de Zainab "ouvre une grande quantité d'espace aux femmes afghanes souhaitant suivre ses traces". "En Afghanistan, où les femmes sont largement confinées à l'intérieur, marcher et se livrer à des activités en plein air leur permet de se réapproprier l'espace public".
Zainab, elle, est en tout cas prête à recommencer. "Tout est dans votre esprit, confie-t-elle. Vous n'avez pas besoin de vous entraîner beaucoup. Je ne me suis pas entraînée et pourtant je l'ai fait."