Au milieu des années 90 a fuité sur Internet une sextape mettant en scène Pamela Anderson, alors star de la série télé Alerte à Malibu, et son conjoint Tommy Lee, batteur du groupe de rock Mötley Crüe. La diffusion de cette vidéo, enregistrée durant leur lune de miel puis volée, a suscité un véritable scandale médiatique. Et n'a pas été sans conséquences sur la vie et la carrière de la vedette américano-canadienne.
C'est sur ce sujet précis que revient (avec quelques libertés) Pam & Tommy, mini-série du réseau Hulu développée par le duo Evan Goldberg et Seth Rogen (binôme à l'écriture de comédies populaires comme Supergrave) et actuellement diffusée sur Disney +. Un show dynamique et satirique qui met en scène le regard masculin (notamment à travers le personnage de Seth Rogen, responsable de la fuite de ladite sextape) et le sexisme qu'a pu subir Pamela Anderson, incarnée avec conviction par Lily James.
Coup de rétro sur cette affaire qui bouscula la pop-culture et fit basculer la vie de Pamela Anderson.
A l'époque, la divulgation de cette vidéo mettant en scène le couple sulfureux (marié en 1995- ils divorceront en 1998) engendra une lourde bataille judiciaire. Des poursuites furent émises à l'encontre de Internet Entertainment Group, responsable de la distribution de la sextape.
Cette affaire en dit long sur l'image dans laquelle l'on enfermait alors Pamela Anderson : celle d'un fantasme soumis aux regards des spectateurs du monde entier, des internautes, mais aussi des producteurs. En somme, le stéréotype d'une bimbo réduite à son maillot de bain rouge serré, ses shootings pour Playboy et ses poses béates sur la plage californienne.
Durant le procès, les avocats ont demandé à Pamela Anderson "pourquoi le couple se souciait tant de la diffusion de cette sextape alors qu'elle avait posé plusieurs fois pour le magazine Playboy", comme le rappelle Screen Rant. Preuve en est de l'incompréhension suscitée, en plein milieu des années 90, par la notion pourtant capitale de consentement.
Certains ont même cru que Pamela Anderson était à l'origine de cette divulgation, souhaitant jouer de son image sulfureuse en s'offrant un coup de pub. Ce serait réécrire l'histoire : la carrière de l'actrice ne s'est jamais vraiment remise de cette divulgation massive. Il devenait alors difficile pour elle de sortir pour de bon du statut de sex-symbol, et ce malgré ses ambitions professionnelles. Notamment, son envie d'évoluer sur grand écran.
La bataille juridique fut épuisante pour l'actrice. "A l'époque, j'étais enceinte de sept mois et je pensais que cette affaire affecterait ma grossesse, à cause de tout ce stress engendré, et j'ai dit : 'Je n'irais plus au tribunal désormais. Je ne veux plus parler de mon vagin en public", relate Pamela Anderson au site Refinery29. On se doute que ces souvenirs pèsent encore sur la célébrité.
"Cette affaire a détruit la vie de mon amie Pamela", a récemment affirmé la musicienne et actrice Courtney Love, qui a dénoncé le projet de série, produite sans le consentement (une fois de plus) de la principale concernée. Lors de la promotion de Pam & Tommy, l'une des membres du casting, l'actrice Taylor Schilling, défendait le show : "Nous avons besoin que le débat à propos de cette affaire soit mis à jour. L'histoire de Pamela Anderson est une vision 'micro' vraiment intéressante d'une chose beaucoup plus vaste, qui arrive à beaucoup de femmes. Cette série est une ode à sa bravoure et à son courage face à tant de misogynie".
Victime d'un sexisme systémique, et notamment médiatique, Pamela Anderson est-elle pour autant une icône féministe ? Pam & Tommy aborde à sa manière cette grande question. Dans la série, la star est perçue comme soucieuse du regard masculin, notamment celui de son tendre Tommy Lee. Pamela Anderson serait une grande amoureuse des bad boys.
Au fil de ses interactions (avec Tommy, ses amies, les journalistes), on imagine que l'actrice a elle-même intériorisé bien des stéréotypes et injonctions à la féminité, dont elle incarne l'image la plus glamour et fantasmagorique.
Une image dont elle aimerait tout de même s'émanciper. Et ce dans une société qui malheureusement ne lui laisse guère le choix. En témoigne la "vision" des réalisateurs d'Alerte à Malibu par exemple, qui lui refusent un long monologue dramatique afin de privilégier des plans "sexy mais pas trop" (censure oblige) sur ses fesses. On devine dès lors les pressions diverses qui ont pu aliéner son quotidien. Et pas que le sien.
Une séquence éloquente la voit chanter les louanges de Jane Fonda, autre icône glamour qui a su se détacher peu à peu de certains rôles "sexy" (celui de Barbarella) pour mettre en avant son militantisme. Pamela Anderson se rêverait dès lors en Jane Fonda des années 90.
Cependant, la vraie Pamela est plus ambivalente. Considérée comme non légitime dans son engagement pour la cause animale, elle épingle en 2016 l'attitude sexiste des députés de l'Assemblée nationale, dans une prise de parole remarquable et remarquée.
"Pourquoi est-ce qu'on considère que c'est une plaisanterie alors que je voyage dans le monde entier, je me suis exprimée au Kremlin, je parle aux gouvernements du monde entier pour lutter contre la cruauté animale. Je trouve ça pathétique et sexiste. Alors évidemment, il y a cette image de moi, mais cela ne veut pas dire que je n'ai pas de coeur ou pas de cerveau", se défendait-elle alors.
Deux ans plus tard cependant, elle n'hésite pas à fustiger dans la presse américaine la révolution #MeToo. "Je pense que ce féminisme peut aller trop loin - je suis féministe mais je pense que ce féminisme de la troisième vague est ennuyeux, et qu'il paralyse les hommes. Je pense que ce mouvement #MeToo est un peu trop pour moi. Je suis désolée, je vais probablement me faire tuer pour avoir dit ça", expliquait-elle, déroutante.
Des propos qui ont suscité la perplexité, mais qui appuient justement cette idée de sexisme intériorisé suggéré par la mini-série. Quoi qu'il en soit, c'est bien du même sexisme dont Pamela Anderson fut la cible, et il fait bon s'en rappeler. Pour certaines voix, Pam & Tommy enfoncerait d'ailleurs le couteau dans la plaie en ravivant - sans son accord - une histoire que la principale concernée préfère oublier. Un nouveau sujet de discorde ?