Quand on pense à des figures féministes connues, ce sont généralement Simone de Beauvoir, Olympe de Gouges, Elisabeth Badinter, Doris Lessing ou encore William Thompson qui nous viennent à l'esprit. Il est pourtant d'autres féministes dont les noms vous sont pourtant bien connus mais auxquels vous ne penseriez jamais à l'instar de Nicki Minaj, Tony Micelli de Madame est servie, Scarlett O'Hara ou le rappeur Tupac Shakur. Certes plus atypiques, leur parcour respectif n'en a pas moins contribué à l'émancipation des femmes dans la société comme le met en lumière Johanna Luyssen dans son livre intitulé « Les 30 féministes que l'on a pas vus venir ». Un nouveau regard sur le féminisme dont la préface a été réalisé par la chanteuse de Gossip, Beth Ditto. Et, comme elle le dit si bien elle-même, « le féminisme est assez vaste pour nous rassembler TOUTES, même si nous ne sommes pas d'accord sur tout ». Voici quelques un(e)s des surprenantes féministes mis(es) en avant dans le livre.
« Peut-on twerker et être féministe ? ». Car Nicki Minaj a beau se balader en bas résille, « le cheveux rose fluo » et maîtriser l'art de la danse des fesses à la perfection, il n'empêche que la star du hip-hop, tout comme sa consoeur Beyoncé incarne le statut d'une « femme sexy, rebelle, riche, puissante, qui contrôle tout : son argent, sa carrière, sa communication... et sa sexualité ». D'ailleurs, comme le rappelle Johanna Luyssen dans son analyse de la rappeuse, on a beau la critiquer pour son clip « Anaconda » et son remuage de fesses intempestif, elle ne laisse personne y toucher, à son popotin, lançant un « pas touche » au type dans le clip qui s'y risquerait bien. « Mon cul m'appartient », tel est le message féministe balancé par Nicki.
Sous couvert de traiter dans ses œuvres d'histoires d'amour à l'eau de rose, l'écrivaine anglaise Jane Austen se livre en toute subtilité à d'acerbes critiques visant les « mœurs rétrogrades de son temps et leur impact sur la vie des femmes ». Elle dénonce tour à tour les disparités et injustices incongrues comme la « loi d'entail » favorisant les héritiers mâles ou les activités de « genre » qui cantonnent les femmes au thé et à la broderie sans se demander si elles ne préfèreraient pas « le cricket et les galipettes dans le gazon ». Un féminisme avant-gardiste qui lui vaudra de figurer sur les billets de banque de dix livres dès 2017. Une première britannique pour une femme, hormis la reine bien sûr.
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Le rappeur 2Pac féministe ? Ce genre musical étant plus habituellement cantonné au sexisme qu'au féminisme, l’alliage semble surprenant. Mais Tupac Shakur est plus qu'un rappeur, c'est un poète qui s'est érigé en porte-parole du ghetto, faisant des « femmes noires des quartiers pauvres », délaissées et méprisées, son cheval de bataille. A titre d'exemple, son « Dear Mama » sorti en 1995, rend hommage aux « femmes qui, comme sa propre mère, se battent pour élever leurs enfants malgré la pauvreté, la toxicomanie et la solitude ». Et par ce biais, il leur offre une tribune leur permettant de sortir de l'ombre.
Elle minaude, elle minaude, n'empêche qu'à l'heure où le mot féminisme n'avait encore jamais été prononcé, notre pin-up en avait pourtant déjà adopté certains codes comme le fait qu'elle a réussi l'exploit d'être une « career woman accomplie » en plein cœur des années 60. Évidemment, pour Marilyn, le pouvoir passait par sa sexualité mais « si le féminisme est l'expression assumée d'une sexualité, Marilyn l'est à 100 % ».
« Belle du sud prétentieuse », « égoïste et amorale, une biatch en crinoline qui danse le quadrille » toutes ces descriptions concernant Scarlett O'Hara sont vraies mais ce constat l'est tout autant : la jeune Sudiste de « Autant en emporte le vent » a tout de même réussi à se hisser parmi les « grandes héroïnes du XXème siècle ». D'ailleurs, Scarlett sait aussi faire preuve de courage et de liberté, peu importe si ça choque ses congénères. Ainsi, cette férue de danse s'en octroie une aux yeux de tous avec Rhett Butler, lors du bal d'Atlanta, alors qu'elle est censée porter le deuil de son mari en faisant profil bas. Insoumise donc, la Scarlett, et ce n'était pas franchement le trait de caractère le plus saillant des femmes lors de la sortie du roman de Margaret Mitchell, en plein milieu des années 30.
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Vous vous souvenez sans doute de ce bon vieux Tony Micelli, dans la série des années 80 « Madame est servie », homme à tout faire de Madame, dixit la femme d'affaire Angela Bowers. Sexy, attachant et romantique, qui trouve encore le temps de jouer les papa-poule auprès de sa petite Samantha. Et si il n'est pas commun à cette époque de voir un homme aux ordres d'une femme, celui-ci semble en outre « satisfait de son rôle de « femme au foyer ». Le message transmis aux enfants des eighties est alors « qu'il est possible d'être une patronne lorsqu'on est une femme, et qu'il est possible de s'éclater à la maison quand on est un homme ».
Le créateur japonais Issey Miyake a-t-il véritablement contribué au féminisme avec sa ligne de vêtements « de taille unique, portable par tous » lancée en 1993 ? L'auteur du bouquin commence par décrire les particularités de ses plissés : « Confectionné avec un tissu lavable en un tournemain, il sécherait en quelques minutes. Léger, il ne se repasserait pas, et se rangerait sans plus de façon. Sa forme s'adapterait parfaitement au corps, et ce quelle que soit sa morphologie ». Et rien que cette description semble révolutionner l'habit féminin en mettant fin à « des siècles d'oppression vestimentaire ».
Saviez-vous que le terme « hystérie » provenait du mot grec « utérus » ? Drôle de hasard pensez-vous ? Point du tout. On découvre à la lecture du bouquin que depuis l'Antiquité, les femmes souffrant d'hystérie étaient soignées par « des massages de la vulve » afin de « soulager leur tensions sexuelles ». Et ces « soins » étaient évidemment pratiqués par les médecins eux-mêmes ou les époux de ces « malades ». Les femmes ne disposaient donc pas « des clés de leur jouissance ». La Révolution industrielle a apporté de nombreuses innovations et parmi elles : le vibromasseur électrique. Si son but initial était sans doute de permettre à ces chers docteurs de gagner du temps dans leur pratiques, cette dernière pouvant s'en servir seule et à domicile, il a finalement contribué à offrir à la femme sa propre jouissance.
Egérie de la marque d'électroménager Vedette dans les années 70, on a tous vu La Mère Denis faire irruption sur nos téléviseurs. Vieille lavandière normande, mère de 5 enfants, elle symbolise le courage et la ténacité. C'est ainsi qu'un publicitaire parisien vint à lui proposer de tourner dans une publicité pour une machine à laver. « Mesdames, ne vous embêtez plus à battre le linge ! Vedette le fait pour vous ! ». En vantant cette nouvelle technologie, elle a offert un sas de liberté aux femmes « leur permettant de dégager du temps, pour travailler, par exemple, au lieu de passer des heures au lavoir (…) Du temps qu'elles ont consacré aux loisirs, télévision, radio, romans, journaux. ». Sans le savoir, La Mère Denis a donc joué un rôle dans la libéralisation de la femme. « Ca c'est vrai, ça », répondrait-elle peut-être.
Relayé à la gentillette et enfantine rangée Bibliothèque rose, « Les quatre filles du Docteur March » est pourtant un roman novateur. L'une des quatre sœurs, « Joséphine March (qui préfère qu'on l'appelle « Jo ») sort du lot. « Garçon manqué, elle ose rêver d'être écrivaine à une époque où les femmes qui lisent sont dangereuses ». Autre particularité de son héroïne, elle se rêve homme ou, faute de mieux, d'être leur égal, comme elle le confie lors d'un de ses souvenirs d'enfance estival : « Rien de venait différencier les garçons des filles, si ce n'est la longueur de nos cheveux (…) Pour quelques heures seulement, nous étions dans l'innocence de notre âge, inconscients des enjeux liés à nos genres respectifs ». Pas si fifille, la Jo.
"Les 30 féministes que l'on a pas vus venir"
De Johanna Luyssen, illustré par Enora Denis
Editions Le Contrepoint