Même sans que ces dernières ne vous touchent directement ou n'atteignent vos proches, des tragédies nationales comme les attentats du 13 novembre ont forcément du susciter en vous une forme émotion. Un bouleversement dont il est volontiers dur de se remettre, surtout quand nous est rappelée chaque année la teneur des événements.
D'attaques ciblées, ces drames se font traumatismes collectifs. Un terme aisément réitéré en cette rentrée où se côtoient l'ouverture du procès des attentats du 13 novembre 2015 et les 20 ans des attaques terroristes du 11 septembre 2001. Face à l'abondance d'informations, témoignages et autres reportages refaisant surface pour ne pas oublier, il peut être difficile de se maintenir personnellement à flots.
C'est pourtant là un enjeu majeur de santé mentale.
Le 13 novembre 2015, une série d'attaques terroristes causait la mort de 131 personnes, ainsi que 350 blessés, à Paris et à Saint-Denis. Assez rapidement, cette tragédie nationale est devenue un traumatisme collectif. Même pour celles et ceux qui n'étaient ni victimes, ni victimes par ricochet de ces drames (c'est-à-dire proches de victimes directes), de l'anxiété, de la peur, de la paranoïa ont pu être éprouvées, ainsi qu'un profond mal-être.
C'est tout à fait normal. Le psychiatre Nicolas Franck appelle cela des "mini traumatismes collectifs". Tel que l'affirme le site de Santé Publique France, les personnes qui n'ont pas été directement témoins d'un événement traumatisant comme les attentats du 13 novembre et ne sont pas endeuillées, peuvent toutefois ressentir des effets négatifs, comme des symptômes d'anxiété, des peurs, de la tristesse.
A France Bleu, Nicolas Franck explique ce phénomène : "Il y a des mini traumatismes collectifs. On se souvient tous de ce qu'on faisait le 11 septembre 2001. Et puis, on se souvient tous de ce qu'on faisait quand les attentats du Bataclan ont eu lieu. Ce sont des mini traumatismes pour chacun d'entre nous et des traumatismes énormes pour ceux qui étaient directement sur les lieux concernés". Si bien sûr l'expérience vécue par celles et ceux qui se trouvaient sur les lieux des attaques est incomparable en terme de gravité, d'incidences et d'effets sur le long terme, ce fameux "on se souvient tous..." n'a en vérité rien de si anodin ou exagéré.
"Il faut se rendre compte que ces traumatismes, qu'ils soient individuels - quand on est sur place au Bataclan, en première ligne - ou bien collectifs - pour n'importe quel citoyen français -, représentent une émotion considérable, ces traumatismes nous figent, nous submergent. On ressent un petit peu la même chose, parce qu'on a vu ces scènes de terreur, ou bien eu peur pour quelqu'un. C'est quelque chose qui fige le temps, à un instant donné et qui laisse une trace qui ne s'efface pas. C'est ça le traumatisme", détaille à ce titre le psychiatre.
Une anxiété exacerbée par les commémorations annuelles des attentats, événements passant notamment par une omniprésence médiatique des images. Celles-ci, relate l'expert à France Bleu, ont tendance à faire ressurgir l'intensité émotionnelle de ce "mini-traumatisme" sur nous, malgré l'impression rassurante de communion nationale qui peut être éprouvée en parallèle, et le fait que ces traumas ne soient pas "énormes".
"Ressentir cette tristesse et ce chagrin est tout à fait normal surtout dans les cas de traumatisme collectifs car les émotions sont décuplées par la foule et les images choquantes diffusées en boucle à la télévision. Certaines personnes vivant hors de nos frontières, et donc très éloignées géographiquement, ont même versé des larmes en apprenant la nouvelle des attentats à Paris", décrypte le psychologue Albert Moukheiber.
Dès lors, comment faire face à ce traumatisme collectif ? Selon l'expert, plusieurs stades se succèdent dans ce type d'événement, d'abord le temps du réel, celui du symbole, puis celui du souvenir. Si bien que si ces traumas perdent en intensité, "chaque individu va finalement garder la trace de ce que ces tragédies ont suscité en son sein".
D'où l'importance de s'ouvrir à l'autre et ne pas se replier sur soi-même, avec ses souvenirs et son anxiété. Il faut s'exercer, également, à affronter cette peur ou anxiété plutôt qu'à la fuir. "Il faut continuer à échanger, essayer de comprendre comment ces événements ont pu se produire, sachant que comprendre ne signifie ni excuser ni cautionner, mais aussi continuer à aller vers les gens, s'instruire, échanger", développe encore le psychologue.
Dans les pages de Femme Actuelle, la psychanalyste Marie-Frédérique Bacqué recommande quant à elle d'éviter de regarder les images des tragédies en boucle "pour ne pas céder à la fascination inconsciente qu'exerce la mort violente". A l'écouter, ce phénomène de répétition des images traumatiques, évoquant la médiatisation du 11 septembre 2001, ne fait que "prolonger l'état de choc", et donc l'anxiété, empêchant dès lors de penser. Or "penser l'événement" est, aux yeux de la spécialiste, indispensable pour mieux accepter les émotions qui surgissent. Des conseils utiles pour ménager sa santé mentale.