#MeToo, sexualités, emprise, rapport au genre, libertés fondamentales des femmes... A l'occasion de ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, on se plonge dans 8 nécessaires lectures à même de faire résonner de fondamentales indignations. Mais aussi, le murmure d'une révolution.
Ce premier roman (autobiographique) de Léontine Behaeghel fait écho aux récentes prises de parole de Judith Godrèche, et d'Isild Le Besco. Pourquoi ? Car s'y énonce un récit d'emprise, avec ce que cela suppose de manipulations, de domination, de confusion. De sidération, également. Il y est question d'une jeune fille de dix-neuf ans qui entame une relation avec son parrain... Agé de soixante-deux ans.
Peu à peu, ses yeux s'ouvrent quant à la réalité de cette situation, et au passif de celui qui lui promet l'amour éternel. A l'image du déroulé d'une partie du roman (la prise de parole au commissariat) l'écriture de l'autrice est implacable, cinglante de lucidité et de factualité. Ce qui bouscule, c'est la densité de sa narratrice, témoignant par ses affects et souvenirs d'un rapport à soi et à l'autre qui tend vers le vertige et le gouffre. Entre les lignes, on pense à Vanessa Springora. Indispensable pour disséquer une violence : la possession.
Récit protéiforme, entre conversations et introspection, journal aux allures de compte à rebours et regard en arrière sur une jeunesse sacrifiée, Cinq petites tristesses nous rappelle que la douleur, elle aussi, est intime et politique.
Cinq petites tristesses de Léontine Behaeghel, Editions Robert Laffont.
Quand une voix majeure des luttes féministes comme la regrettée autrice afroaméricaine bell hooks vous recommande un livre, n'hésitez pas, foncez ! C'est justement le cas de ce manifeste de Sara Ahmed, chercheuse britannique et parole érudite pour qui s'intéresse à la culture et aux enjeux queer. Une réflexion foisonnante de plus de cinq cent pages où l'autrice explique avec une intense minutie pourquoi le féminisme est indispensable au monde et à son évolution. L'occasion notamment de triturer ce mot épouvantail, celui de Féminisme, qui semble en effrayer tant.
Vivre une vie féministe, de Sara Ahmed, Editions Hors d'atteinte.
Que ferait-on sans les éditions 1001 Nuits ? Après la réédition des ouvrages de Valeria Solanas, tel le fameux Scum Manifesto, la maison perpétue son désir de valorisation du matrimoine avec cette odyssée d'une femme libre, la militante marxiste soviétique Alexandra Kollontaï. On se plonge dans l'esprit affuté et perpétuellement stimulant de cette figure politique socialiste et révolutionnaire qui, tel que l'énonce Hélène Carrère d'Encausse, "veut donner aux femmes, dont le rôle dans le siècle qui fut le sien est encore limité aux obligations que la société leur assigne, épouse et mère, un statut d'être humain à part entière".
Autobiographie d'une femme sexuellement émancipée, de Alexandra Kollontaï, Editions 1001 nuits.
"Le féminisme sans lutte des classes, c'est du développement personnel !". C'est ce slogan de manif qui s'affiche fièrement sur la couv' de ce manifeste, celui d'un mouvement, les Rosies, syndicalistes, militantes et femmes politiques notamment en lutte contre la réforme des retraites. A la matrice de cette mobilisation, l'emblème badass par excellence : Rosie la Riveteuse. Effigie d'ouvrière apparue pour la première fois en 1943 et qui deviendra quatre décennies plus tard l'icône inattendue d'une revendication au féminin, le biceps gonflé, un bandana rouge dans les cheveux.
Manifeste des Rosies, de Lou Chesné & Youlie Yamamoto, Editions Les Liens qui Libèrent.
Quoi de plus représentatif de la diabolisation des femmes que ce sacrosaint mot "d'hystérie" ? Indissociable de l'utérus, cet intitulé des siècles durant servira de terme passe partout pour réduire une femme à ses "sautes d'humeur", minimiser sa colère, euphémiser sous quelques traits pathologiques son indignation légitime. C'est une bien vaste histoire du patriarcat que relate ici la psychologue clinicienne Isabelle Siac, des "sorcières" du Moyen Age aux jeunes générations d'aujourd'hui en passant par les fameuses théories de Freud. Un ouvrage à la fois savant et captivant.
En finir avec l'hystérie prétendument féminine, d'Isabelle Siac, Editions Plon.
Plume bien connue de celles et ceux qui s'intéressent à l'écoféminisme, au tabou des menstruations et à tout ce que notre société engendre de complexes et de stigmatisation, Elise Thiébaut délivre ici un récit à la fois incarné et hyper informé de la ménopause. L'occasion d'aborder l'âgisme, ou comment la moitié de la population, une fois le cap de la quarantaine atteint, se voit réduite au rang de femmes invisibles. Mais ce n'est que la facette attendue d'une étude qui nous balade au gré de mille et une réflexions étonnantes.
Ceci est mon temps d'Elise Thiébaut, Editions Au diable vauvert.
Couple, amour, relations... Et si on bousculait toutes ces lignes ? C'est ce à quoi nous invite le nouvel essai d'Aline Laurent-Mayard dans cette réflexion très incarnée sur les nouvelles relations sentimentales : amitiés, colocs entre meufs, nouvelles familles qui se constituent au-delà des normes imposées, rapport à soi... Entre désir individuel et bien être collectif, un livre qui respire la sororité et prône la fin attendue des stéréotypes de genre.
Post romantique, d'Aline Laurent Mayard, éditions JC Lattès.
On est jamais déçu par les publications de la Collection sur la table, initiée par Victoire Tuaillon, créatrice des podcasts Les couilles sur la table et Le coeur sur la table. Dans cet ouvrage accessible et très actuel, l'artiste Catherine Dorion se plaît à explorer une thématique plus que jamais au coeur des luttes féministes : l'amour. L'un des grands sujets de cette collection qui, à l'unisson des mots de Mona Chollet, entend bien repolitiser le désir, comme centre de réflexions critiques certes, mais aussi, en tant qu'idéal contestataire. Et révolutionnaire.
Les luttes fécondes : libérer le désir en amour et en politique, de Catherine Dorion, Editions La collection sur la table - Binge Audio