Son retour se voulait discret : il a été fracassant. Condamné pour violences conjugales et exclu du groupe de La France insoumise pour une durée de 4 mois, le député du Nord Adrien Quatennens a fait son come-bak à l'Assemblée nationale ce mercredi 11 janvier. Siégeant au sein de la commission des affaires étrangères, sa réapparition n'a pas manqué de créer un tollé.
Protégé et défendu par de nombreux cadres de la FI tels que le nouveau coordinateur du parti Manuel Bompard ou encore son mentor Jean-Luc Mélenchon, Adrien Quatennens n'a pas ménagé ses efforts pour renverser la charge et se aire passer pour une victime d'un "lynchage médiatique". Sans jamais envisager de démissionner de son mandat de député.
Alors que le revoici sur les bancs de l'hémicycle, nous avons interrogé Mathilde Viot, cofondatrice de l'Observatoire des violences sexuelles en politique et figure de proue du mouvement #MeTooPolitique, sur cette polémique.
Mathilde Viot : Je pense que ce retour est très calculé. Pour avoir beaucoup pratiqué la France insoumise (en tant que conseillère spécialisée dans les affaires sociales et les droits des femmes à l'Assemblée nationale - Ndlr), je connais leurs méthodes. Et là, avec la réforme des retraites et la séquence sociale qui s'ouvre, c'est le moment parfait pour dire aux féministes de la mettre en veilleuse afin d'éviter la division et de nuire à la lutte des classes. Ce retour d'Adrien Quatennens porte un message : les féministes doivent se taire.
M.V. : Je n'ai aucun doute là-dessus. Adrien Quatennens avait annoncé qu'il rentrerait début janvier. Se servir de l'écran de fumée de la réforme des retraites n'est pas anodin.
M.V. : L'affaire Quatennens a largement dépassé la question des violences conjugales au sein de la FI. C'est autour de ce scandale que s'est réorganisé le mouvement : tous ceux qui ont pris le pilotage de l'appareil sont ceux qui ont soutenu Quatennens. Aujourd'hui, on se retrouve avec une coordination pro-Quatennens au détriment des autres, jugés déloyaux.
C'est très décevant- mais en même temps, c'était dans la génétique du parti- et cela crée une vraie scission avec ces personnes qui demandaient un élan démocratique. Des décisions comme ce retour décidé en douce sans que cela soit discuté, cela n'est plus possible.
M.V. : Je ne l'espère pas. J'ai travaillé avec la France insoumise pendant 5 ans et je suis attachée aux causes politiques qu'elle porte. Mais si cette affaire pouvait permettre de se rendre compte que cela a généré des dysfonctionnements très graves et amener à la démocratisation de l'appareil, ce serait nécessaire.
M.V. : Non. Cela va clairement devenir très compliqué dans les semaines et années à venir de pouvoir tenir des propos sur les questions des droits des femmes.
M.V. : Aurore Bergé fait de la politique politicienne. Elle n'est jamais montée au créneau sur le cas de Jérôme Peyrat par exemple (investi par la coalition Ensemble- LREM, Horizons, MoDem- en Dordogne lors des législatives, en dépit d'une condamnation pour violences conjugales sur une ex-compagne en 2020, il avait finalement retiré sa candidature- ndlr). Pourquoi n'avait-elle pas proposé cette mesure au moment de son investiture ?
Mais reconnaissons que ce genre de peine, qui est en général d'une durée de 5 ans, serait un outil intéressant pour régler l'argument de la "condamnation à vie d'un homme". En revanche, cette peine impliquerait-elle la démission immédiate d'une personne condamnée ? Et quid d'un cas aussi préoccupant que celui du député Renaissance Damien Abad, accusé par de nombreuses femmes mais qui n'a jamais reconnu les faits ?
M.V. : Nous demandons sa démission. Il est primordial de tenir cette ligne alors même que nous sommes en train de structurer la société autour de la question des droits des femmes. Il faut sortir ces questions de l'ornière du privé pour réellement construire un projet politique.
Faut-il le "condamner à vie" ? C'est une question qui doit se poser : la France insoumise aurait dû ouvrir ce dossier pour décider de ce qu'elle devait faire des hommes condamnés pour violences conjugales. Comment les réhabilite-t-on ? A quelles conditions ? Sous quelle temporalité ? Par exemple, on sait que les stages en groupe des hommes condamnés pour violences conjugales sont souvent un échec de prise en charge. Et la France insoumise n'a pas réfléchi à d'autres alternatives. Il serait temps.