Politique
"Tribunal médiatique" : pourquoi la défense d'Adrien Quatennens ne passe pas
Publié le 14 décembre 2022 à 12:39
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Condamné à quatre mois de prison avec sursis pour violences conjugales et suspendu du groupe parlementaire de la FI, le député insoumis Adrien Quatennens a pris la parole pour la première fois dans "La Voix du Nord". Mais sa défense indigne.
"Tribunal médiatique" : pourquoi la défense d'Adrien Quatennens ne passe pas
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"Pendant trois mois, je me suis tu. En citoyen, j'accepte ma sanction. Je prends ma juste part. Mais je refuse d'en prendre davantage et de continuer à subir cet acharnement. C'est la raison pour laquelle je prends la parole". Le député de la France Insoumise a relayé ce 13 décembre une interview donnée au quotidien La Voix du Nord, au sein de laquelle il revient sur "l'affaire Adrien Quatennens".

Condamné à 4 mois de prison avec sursis pour violences conjugales par le tribunal judiciaire de Lille, Adrien Quatennens a été radié temporairement, pour une période de 4 mois, du groupe parlementaire La France Insoumise. Il devra également participer à un "stage de sensibilisation sur les violences faites aux femmes" dans une association féministe.

Malgré ce jugement, le député dénonce ce qu'il considère comme "un lynchage médiatique inédit de la part de gens qui n'étaient pas derrière les portes closes d'une histoire de couple et qui ne connaissaient rien au dossier". Des formules qui sur les réseaux sociaux ne passent pas du tout, notamment chez les militantes féministes.

"Sa stratégie est de se faire passer pour une victime"

Dans cette interview, Adrien Quatennens parle de "tribunal médiatique" et d'un "acharnement disproportionné". Il affirme sa volonté de "rétablir [son] honneur" et de "protéger [son] enfant". Abordant sa vie de couple, il accuse son ex-compagne, Céline Quatennens, d'une "réécriture malhonnête de [leur] histoire", qui "l'attriste énormément". En outre, le député affirme : "Ce n'est pas une histoire faite de violences conjugales. C'est l'histoire d'un couple qui ne parvient plus à se comprendre. C'est une réalité douloureuse que vivent tant de Français".

"J'accompagne depuis des années comme député des femmes victimes et leurs familles [...] Je souhaite continuer à accompagner ces femmes et à me rendre utile. Je vais tâcher d'honorer le mandat qui m'a été confié. Je dois me reconstruire. À ce jour, je ne prétends qu'au droit à reprendre une vie normale et à honorer mon mandat de député. Rien d'autre ne serait raisonnable", poursuit-il.

Le député associe aussi ce qu'il qualifie "d'acharnement" à un coup "politique destiné à abattre le principal porte-parole et coordinateur de La France Insoumise".

Des propos qui ont dérangé sur Twitter, tout comme le tweet du député accompagnant l'interview. "'J'accepte' mais : - je me justifie sur 4 pages - je contextualise et banalise la violence - je parle de tribunal médiatique - j'inverse la culpabilité. - je ne prends aucune responsabilité politique. Une réaction #OuinOuin comme on les aime", a en ce sens ironisé la militante féministe Madeline Da Silva.

Tribunal médiatique, culpabilité inversée... Des observations qui rappellent les réflexions de Rose Lamy, du compte Préparez vous pour la bagarre, à propos des défenses récurrentes des hommes accusés de violences sexistes, physiques ou sexuelles. Ce sont aussi ces mêmes stratégies et lexique qu'a pu relater la journaliste de Médiapart Marine Turchi dans son enquête Faute de preuves : la justice face aux révélations #MeToo.

Des éléments qui ont forcément fait tilté les militantes sur Twitter. "La stratégie d'inversion d'Adrien Quatennens et de se faire passer pour une victime validée par les médias, qui relaient ses propos sans la moindre contradiction. Soutien aux victimes des violences conjugales qui sentiraient encore moins crues et soutenues !", a abondé en ce sens le collectif Osez le féminisme !. Un hashtag à l'appui : #QuatennensDémission.

A l'unisson de ce mot-clé, une pétition rédigée par des militant·es du parti circule exige également la démission du député du Nord. Ce texte en appelle à ce que le groupe parlementaire LFI-NUPES se prononce en faveur de cette démission. Mais aussi à ce que le parti La France Insoumise établisse "une charte claire, ambitieuse et applicable à tous·tes sans distinction concernant les violences sexistes et sexuelles".

"S'il ne veut pas envoyer un message catastrophique à toutes les femmes victimes de violences et à toutes les personnes qui s'engagent dans des mouvements qui se disent féministes, Quatennens doit démissionner", a également affirmé la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. "Céline Quatennens parle d'années de violences 'physiques et morales', de pression pour ne pas divorcer. Invisibiliser les violences subies et minimiser les faits c'est violenter les victimes", a tweeté de son côté le collectif féministe #NousToutes.

"Quatennens dénonce le 'tribunal médiatique', tout en expliquant qu'il a choisi de ne pas porter plainte contre sa femme afin de préserver son enfant, pour des faits qu'il va pourtant s'empresser de communiquer à la presse, sans contradictoire", observe encore de son côté la militante féministe Mélusine sur Twitter.

Des propos qui ne passent pas donc.

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