C'est un film choc qui sera projeté au festival du film de Toronto cette semaine. Un documentaire intitulé Jagged, réalisé par Alison Klayman à l'occasion des 25 ans de son troisième album, Jagged Little Pill, dans lequel la chanteuse Alanis Morissette aborde son adolescence, et raconte les nombreux viols dont elle a été victime. Des agressions qui la hantent encore aujourd'hui, et dont elle décrit les conséquences traumatiques.
"Il m'a fallu des années de thérapie pour même admettre qu'il y avait eu une sorte de victimisation de ma part", dit-elle. "Je disais toujours que j'étais consentante, et ensuite on me rappelait : 'Hé, tu avais 15 ans, tu n'es pas consentante à 15 ans'. Maintenant, je me dis : 'Oh oui, ce sont tous des pédophiles. C'est du détournement de mineur'".
Elle poursuit, mentionnant le silence auquel elle a été réduite, conséquence directe de l'inaction ou du malaise de ses proches et moins proches. La preuve, aussi, d'une nécessité de la libération de l'écoute plutôt que de la parole qui, dans de nombreux cas, n'a pas attendu le mouvement #MeToo.
"Je l'ai dit à quelques personnes et c'est tombé dans l'oreille d'un sourd. D'habitude, c'est un moment où on se lève et on sort de la pièce... Vous savez, beaucoup de gens disent 'pourquoi cette femme a attendu 30 ans [pour signaler un viol] ?'. Et je réponds : 'Va te faire foutre. Elles n'attendent pas 30 ans. Personne n'écoutait, ou leur gagne-pain était menacé, ou leur famille était menacée.'"
Alanis Morissette ne sera toutefois pas présente à la première du film. A ce sujet, la réalisatrice a déclaré : "Bien sûr, j'aimerais qu'Alanis soit là. C'était un privilège de faire ce film et j'en suis très fière. J'espère qu'il y aura d'autres occasions à l'avenir pour qu'elle vienne à des événements cinématographiques." Un privilège que la principale concernée ne partage pas, et en a exprimé les raisons sans détour, mardi 14 septembre.
"J'ai été interviewée à un moment très vulnérable (alors que j'étais au milieu de ma troisième dépression post-partum)", déclare-t-elle dans un communiqué. "J'ai été bercée dans un faux sentiment de sécurité et leur programme salace est devenu évident dès que j'ai vu la première version du film. C'est là que j'ai su que nos visions étaient en fait douloureusement divergentes."
Et d'épingler : "Ce n'était pas l'histoire que j'avais accepté de raconter. (...) A l'instar de nombreuses biographies non autorisées publiées au fil des ans, celle-ci contient des implications et des faits qui sont tout simplement faux." Elle ne précise toutefois pas si les "implications fausses" concernent les faits de viols sur mineur qu'elle confie.