C'est ce qui s'appelle un sacré volte-face. Vendredi dernier (7 juin), la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, ancienne ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes, présentait en première lecture du projet de loi Santé un amendement prévoyant d'allonger le délai légal de recours à l'IVG de 12 à 14 semaines. Une mesure adoptée à douze voix pour, et dix contre, lors d'une séance marquée par un fort taux d'absentéisme (22 votants sur 348 sénateurs) et contre l'avis de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.
Ce vote avait alors été applaudi par les militantes féministes.
"Tous les ans, des femmes doivent aller à l'étranger pour avorter", expliquait Véronique Séhier, la vice-présidente du Planning Familial à La Croix. "Nous avons un vrai problème d'accès à l'IVG dans ce pays. Les recommandations de la Haute Autorité de santé selon lesquelles toutes les femmes doivent trouver une réponse à leur demande d'IVG entre la 10e et la 12e semaine d'aménorrhées restent lettre morte dans de nombreux territoires, notamment ruraux."
Seulement voilà, ce mardi 11 juin après-midi, la droite, majoritaire au Sénat, a pris sa revanche. Avant le vote sur l'ensemble du projet de loi Santé, la commission des Affaires sociales a demandé une seconde délibération. Cette demande de renvoi prévue dans le règlement nécessite qu'elle soit acceptée par le gouvernement. Autorisation que la ministre de la Santé Agnès Buzyn a accordée, arguant "que les conditions d'adoption de l'extension du délai d'IVG n'étaient pas satisfaisantes."
Et c'est ainsi que le Sénat a supprimé la disposition introduite quelques jours auparavant, par 205 voix contre 102. Un véritable "coup de Jarnac", comme l'a dénoncé Laurence Rossignol, pointant "une petite combine de procédure mise au point par le groupe LR et le gouvernement pour s'opposer à une avancée très attendue."
Lors d'une intervention percutante, la sénatrice a souligné : "Je ne peux pas laisser dire, entendre ou présupposer que si on allonge les délais d'IVG, après 14 semaines, ce sera 16, puis 18... C'est mal connaître les femmes ! Quand une femme est enceinte et qu'elle ne peut pas garder un enfant, le plus vite elle avorte, le mieux c'est. Ne croyez pas qu'elle se dit : 'Oh, j'ai encore deux semaines, je vais partir en vacances et puis après, je verrai pour l'IVG parce que les délais sont bons'. Mais par contre, je vais vous dire pourquoi il faut allonger les délais : parce que 3 à 5000 femmes partent chaque année à l'étranger..."
Cette machine arrière a également indigné les militantes féministes.
Comble de l'ironie, au même moment, la députée LREM Marie-Pierre Rixain, déléguée aux droits des femmes, annonçait la formation d'une mission d'information en vue d'une proposition de loi pour... allonger le délai d'accès de 12 à 14 semaines.
Quelques mois perdus pour aboutir à une même mesure ?