#StopFiringNBADancers. C'est par cet hashtag que les cheerleadeuses du basketball professionnel américain s'indignent aujourd'hui. Peu à peu, les équipes de la prestigieuse NBA éliminent les troupes de danseuses de leurs shows au profit de teams "mixtes". Les intéressées dénoncent un manque de transparence de la part des décisionnaires, les conséquences de ces changements brutaux - sur des danseuses fidèles depuis des années à leurs équipes - et un argumentaire plutôt hypocrite. "Sexiste", même.
C'est une longue investigation du Time qui nous révèle les racines du malaise. Le 15 mai dernier, un dirigeant de l'équipe de basket des Kings de Sacramento a annoncé la rupture de contrat de plusieurs troupes de danseuses exclusivement féminines. Le but ? "Faire évoluer" ces équipes de pom-pom girls vers une direction "plus inclusive", en les remplaçant par une équipe mixte de danseurs et danseuses hip-hop.
Pour l'ancienne cheerleadeuse professionnelle Mhkeeba Pate, créatrice du podcast Pro Cheerleadin et initiatrice dudit hashtag, c'est un véritable affront à toutes celles "qui se sont investies dans une formation de danse approfondie dans tous les styles durant d'innombrables heures et ont consenti à des sacrifices pendant plus de quarante ans pour certaines, afin d'honorer la réputation et l'héritage des équipes de danse professionnelles". Mais en vérité, ce péril en la demeure éclot d'enjeux bien plus sensibles encore.
Depuis mai 2018, ce sont pas moins de huit des trente équipes de la NBA qui ont remplacé leurs troupes de pom-pom girls féminines par des groupes mixtes. Selon certaines professionnelles, cette décision n'est autre qu'une fâcheuse réaction "de la part de la société" vis-à-vis du mouvement #MeToo. Un protocole que l'on pourrait résumer ainsi : "S'il y a une chance que vous soyez accusé de sexisme, éloignez-vous simplement des femmes". C'est tout du moins l'avis de Mariah Palmiter, une cheerleadeuse fidèle aux Kings de Sacramento. La danseuse met en relation le renvoi de ses consoeurs et la récente nomination de l'entraîneur Luke Walton. Quelques semaines plutôt, l'ancienne reporter Kelli Tennant intentait une poursuite contre Walton pour agression sexuelle. Les faits auraient eu lieu en 2014. Sans surprise, l'entraîneur a démenti ces accusations.
Ce scandale, Mariah Palmiter l'interprète comme l'une des raisons pour lesquelles les ligues préféreraient aujourd'hui mettre leurs danseuses à la porte : se "débarrasser" des talents féminins afin de fuir les éventuelles accusations d'harcèlement qui pourraient bientôt secouer le monde du basket. D'autres voient là une façon pour les grandes franchises de faire taire toutes celles qui exigent l'égalité salariale et de meilleures conditions de travail.
Pourtant, quoi de plus logique que ces exigences lorsque l'on sait que, par-delà leurs prouesses athlétiques, les pom-pom girls sont censées représenter leur équipe à travers tout le pays ? "C'est une gifle", déplore encore Mariah Palmiter, qui, plutôt que d'appel à la diversité, perçoit en cette démarche des "grandes pontes" une forme de sexisme inavoué.
"Les dirigeants nous embarquent dans une nouvelle ère, mais pour moi, c'est un pas de recul concernant l'égalité en matière de danse", achève la cheerleadeuse Dakota Samberg. A l'écouter, ce virage est "une réponse au mouvement #MeToo". Et si la mixité ne lui déplaît pas, elle craint en revanche de voir s'effriter avec ces départs "une tradition vieille de trente ans" - et intensément féminine. Alors que des équipes de basket aussi diverses que les Dallas Mavericks, les San Antonio Spurs, les Cleveland Cavaliers et les Toronto Raptors se sont progressivement "purgés" de leurs pom-pom girls au fil des mois, Mariah Palmiter fustige ce tour de passe-passe qui, sous couvert d'inclusion, consiste à ignorer ces femmes qui "se sont battues afin d'obtenir le crédit [qu'elles méritent]".
Sur Facebook, la danseuse et vidéaste Jaclyn Villaseñor (réputée pour ses chorégraphies passionnées) dénonce l'argument douteux du "plus inclusif". C'est "une dérobade", dit-elle directement. Une attitude paniquée de la part de franchises qui, plutôt que de "traiter avec respect" ses danseuses professionnelles, préfèrent les exclure. "Évoluer ne signifie pas nécessairement éliminer une équipe de danse entièrement féminine, ajoutez quelques hommes, et elle devient inclusive", décoche-t-elle. Du simple bon sens ?