Née il y a un peu plus de 20 ans, la philosophie body positive a réellement explosé avec Instagram. Car si le réseau social a longtemps été l'apanage des adeptes du fitness et d'un mode de vie ultra sain, c'est bien sur sa plateforme que s'est formée une communauté de femmes inclusive prônant l'acceptation de son corps et l'estime de soi. A ce mouvement vient aujourd'hui s'ajouter une nuance : la body neutrality. Le terme n'est pas récent mais il a commencé à véritablement faire parler de lui en mars dernier grâce à un article du New York Magazine. Invitée dans une retraite exclusivement féminine organisée dans le Vermont, la journaliste Marisa Meltzer a pu participer à un programme sur la neutralité des corps. L'objectif est simple : proposer un palier intermédiaire entre la détestation de son corps et la sommation à aimer celui-ci coûte que coûte. Anne Poirier, la directrice du programme, commente : "Il y a tout un mouvement qui nous dit qu'il faut aimer son corps. Mais il y a un gap énorme entre l'insatisfaction et l'acceptation totale. Certaines personnes vont donc tomber dans la neutralité du corps". Et la journaliste d'ajouter : "C'est une sorte de drapeau blanc qui se place au croisement entre la détestation et l'amour de soi".
Pour les adeptes de la body neutrality, la philosophie body positive est un poids finalement trop lourd à porter. Certes, celle-ci encourage à se débarrasser totalement des diktats de la beauté, mais n'exerce-t-elle pas une autre forme de pression finalement ? Autumn Whitefield-Madrano, auteur de l'ouvrage Face Value: The Hidden Ways Beauty Shapes Women's Lives, le pense. Elle explique au New York Magazine : "Mon problème avec le mouvement body positive – en plus du fait que le standard soit très élevé – c'est qu'il demande aux femmes de réguler leurs émotions, en plus de leur corps. Cette pression n'est pas prête de retomber de sitôt. Et pourtant, on vous demande d'avoir une estime de soi à l'épreuve de tout par-dessus le marché. Ce n'est pas quelque chose à laquelle vous pouvez vous tenir. La body positivity se focalise uniquement sur le corps. Mais les jours où je suis la plus heureuse sont ceux pendant lesquels je ne pense pas du tout à lui".
La body neutrality se pose donc comme une philosophie fluctuante : apprendre à s'aimer un peu plus chaque jour, faire attention à son alimentation sans tomber dans une spirale de régimes, faire du sport sans que cela tourne à l'obsession, et accepter le fait que l'on sera toujours forcément un peu critique envers son corps, bref se sentir plus libre. Marisa Meltzer résume : "La neutralité du corps ce n'est pas se jeter sur un paquet de chips et oublier sa santé. C'est plutôt délaisser son obsession de la perte de poids et de son reflet dans le miroir pour se concentrer sur ce que l'on ressent".
Si la body neutrality se veut plus souple que le mouvement body positive, doit-on fustiger ce dernier pour autant ? Non, bien sûr que non. Marilyn Wann, auteure et activiste fat positive, explique à Refinery 29 que c'est finalement le choix des mots qui importe. Pour elle, ce sont les mots "fat liberation" qui l'ont aidé à s'accepter, pour d'autres, c'est le terme "body positive". Alors pourquoi pas "body neutrality" ? "Je pense que nous trouvons toujours de nouveaux mots pour mettre une étiquette sur les choses que nous voulons. Personnellement, je suis pour que les gens trouvent le mot qui va leur permettre de s'accepter, qu'importe celui qu'il choisisse", estime-t-elle. Une chose est sûre, à l'orée de l'été et du redouté bikini body, ce nouveau mouvement offre une libération bienvenue du corps et de l'esprit.