Dans l'inconscient collectif, un violeur est toujours un homme inconnu qu'on croise au mauvais endroit, au mauvais moment. Le plus souvent dans un endroit sombre et isolé, comme un parking désert au plein coeur de la nuit, avec aucun témoin pour nous porter secours. Ce portrait-robot du violeur inconnu et menaçant n'est pas faux, mais il est grandement surestimé. Dans la majorité des cas (8 cas sur 10, d'après le Collectif féministe contre le viol), la victime connaît son agresseur. En France, 30% des viols seraient commis par le conjoint ou la conjointe de la victime.
Longtemps passés sous silence, minimisés voire parfaitement tolérés(au nom du fameux "devoir conjugal"), les viols conjugaux ne sont reconnus par la loi que depuis 1990 et comme circonstance aggravante depuis 2006. Ils restent aujourd'hui encore un tabou, rarement évoqués même si parfaitement intolérables.
C'est pour mettre en lumière l'effarante banalité du viol conjugal que Chloé Fontaine a voulu le en faire le thème de son court-métrage dérangeant. Intitulé "Je suis ordinaire" et présenté au Nikon Film Festival, il met en scène un couple amoureux, qui discute du prochain film à regarder sous la couette. Lorsque l'homme commence à embrasser sa compagne dans le cou en guise de préliminaire avant une relation sexuelle, la femme le prévient une première fois : "J'ai pas envie". "Qu'est-ce qui se passe ? Tu m'aimes plus, c'est ça ?", demande-t-il. Il réessaye, n'écoute pas. Elle résiste avant de le "laisser faire" ce qu'il veut. Il est de toute manière plus fort qu'elle. "Si rien ne vous choque, c'est que vous êtes l'un d'eux", conclut la vidéo.
Interviewée par le HuffPost, Chloé Fontaine raconte que le point de départ de "Je suis ordinaire" a été une discussion avec une amie ayant subi un viol de la part d'un garçon avec qui elle sortait. "Elle m'a dit: 'J'en avais pas envie non, mais alors pas du tout. Mais je voyais pas d'autre moyen pour qu'il me laisse tranquille alors...'", raconte-t-elle. "Et là je me suis dit qu'il y avait un problème. Réel. J'ai commencé à faire des recherches sur internet. Je suis tombée sur des témoignages poignants de jeunes (ou moins jeunes) filles qui se posaient les mêmes questions."
"Je ne prétends pas leur apporter la vérité, poursuit Chloé Fontaine. Juste qu'elles voient, d'un point de vue extérieur. Et qu'elles puissent en juger. Ce film, je voulais le faire dans l'espoir d'aider quelques-unes de ces filles à y voir plus clair. Quelques-uns de ces garçons à réfléchir sur leurs actes passés, influer sur leurs actes futurs."
En compétition pour le Nikon Film Festival, qui récompense chaque année des courts-métrages de moins de 2 minutes autour d'un thème commun – cette année "Je suis une rencontre". Mis en ligne il y a 1 mois sur la plate-forme Vimeo, il a déjà été vu plus de 74 000 fois.