C'est en utilisant certains termes et expressions qu'on intègre et véhicule des idées nuisibles dont on peine parfois à se défaire tant elles font partie de notre quotidien. Il n'y a qu'à observer les termes qu'on utilise chaque jour pour décrire des scènes pourtant banale : on reprochera facilement à quelqu'un d'être faible comme une femme, d'être une fillette ou une femmelette, s'il a le malheur de ne pas réussir à faire preuve de "force", de "virilité" ou s'il s'adonne à une activité jugée féminine.
On blague sur la place des femmes dans la cuisine, sur les trucs de "tapette", on met les oeuvres créées par des artistes féminines dans la catégorie "girly", on oppose nunucheries et virilité, bref, on passe son temps à mettre les choses dans des cases pour en valoriser certaines au dépit d'autres (en général, masculinité = représentation positive, et féminité = représentation négative).
Et ces réflexes, on les apprend dès l'âge tendre, alors que tout est encore maléable et qu'on ne remet pas grand chose en question sous cet angle là. On intègre rapidement que pleurer, c'est un truc de fille, et que jouer aux policiers, c'est un truc de garçon - par exemple.
Pour contrer cette vilaine tendance et tenter de tuer toutes ces idées dans l'oeuf, des mesures radicales viennent d'être mises en place dans le système scolaire britannique : certains mots et termes jugés sexistes ont été bannis du langage des élèves et des profs, qui devront désormais faire attention aux mots qu'ils utillisent - ou faire face aux conséquences.
L'utilisation des expressions suivantes a donc été interdite :
- "Man up", une expression utilisée pour dire à quelqu'un de s'endurcir
- L'utilisation de l'insulte "femmelette" pour les garçons
- Appeler les enfants "cupcake" (un petit surnom affectueux qui peut minimiser l'impact d'autres mots et placer l'enfant dans une position d'infériorité)
- "Va me faire un sandwich", une insulte généralement utilisée par les garçons pour envoyer pêtre les filles
- L'utilisation de "fais pas ta fillette" par les professeurs s'adressant aux garçons
- Traiter les filles qui choisissent des matières dites "masculines" de "lesbiennes"
Sexisme et homophobie sont donc à peu près cernés par cette liste d'interdits, et cela devrait permettre aux enfants (et à leurs professeurs) de se poser de vraies questions sur le poids des mots, leur sens et leur impact.
Pour Clare Thomson, de l'Institut de Physiques, qui a été chargée de rédiger cette liste, "même les commentaires les plus inoffensifs en apparence peuvent poser problème si les profs utilisent des phrases telles que "Man up"".
Le but est d'inciter les profs à prendre ces expressions sexistes au sérieux, au même titre qu'ils le feraient pour des expressions racistes. Certaines écoles ont également créé des brigades volontaires composées de filles dont le rôle est de jouer la police du sexisme et faire des rapports détaillés aux profs pour désamorcer certaines situations.
On demande également aux écoles de désigner des professeurs comme "gender champions" (champions du genre) qui devront encourager les filles à choisir plus de matières dites "masculines" comme l'économie, l'informatique et la physique, et les garçons à choisir des matières dites "féminines" comme la littérature, les langues étrangères et la psychologie.
La finalité de cette expérience, en plus d'éduquer les enfants à ces questions le plus tôt possible, est de créer une nouvelle génération qui abolira les inégalités salariales et qui se diversifiera beaucoup plus professionnellement pour mettre fin à toute possibilité d'étiquettage genré. Si la notion de censure et d'interdit peut faire peur au premier abord, on comprend bien vite que le but n'est donc pas de sanctionner, mais d'ouvrir un peu plus le champ à la communication, l'échange et la remise en question du vocabulaire de chacun et des retombées que l'utilisation de certains mots peut avoir sur le long terme. Un concept à importer en France ?