Est-ce que vous aussi, pendant vos règles, vous vous transformez en ogresse repoussante et asociale qui passe son temps à agresser tout le monde et à chouiner dans sa pizza et qui ne peut pas fonctionner normalement ? Si vous faites partie de la majorité, il y a de grandes chances pour que, malgré les dérèglements divers et les crampes, vous parveniez quand même à mener une existence à peu près normale sans menacer d'arracher la tête de tous ceux qui croisent votre route.
Peut-être vous sentez-vous un peu pourrie, mais s'il faut bosser ou voir les potes, il y a moyen que vous vous en sortiez. Peut-être aussi faites-vous partie de ces personnes qui ne sont que très peu affectées par leurs règles et que ces jours de votre cycle ressemblent à peu de choses près à tous les autres jours.
Mais en tout cas, pas d'ogresse à l'horizon.
C'est pourtant la théorie de la marque de protections hygiéniques australienne SOFY, qui a diffusé un spot légèrement insultant la semaine dernière, qui part du principe que toute femme réglée se transforme instantanément en troll des cavernes.
Voyez plutôt.
Alors voilà : on aboie sur tout ce qui bouge, on devient enragées, on menace les livreurs de pizzas, on fait que chouiner et on se roule misérablement dans sa crasse pendant toute la durée de ses règles. Tous les mois. Pour toutes les femmes.
Mais le plus insultant dans tout ça, ce n'est pas la propagation du cliché qui fait passer les femmes pour des êtres qui ne savent pas se contrôler pendant leurs règles, mais la vision terriblement grossophobe de ce spot. À partir du moment où la femme a ses règles, elle devient plus grosse, parce qu'une femme heureuse et en bonne santé est forcément mince, et qu'une femme grosse ne peut être que terriblement repoussante et malheureuse. Parce que qui dit règles dit "moins désirable", et qui dit "moins désirable" dit forcément grosse.
Ce que cette pub nous explique, c'est qu'on perd environ 80 points de Q.I. et d'autonomie pendant nos règles et qu'on se transforme globalement en gros enfants capricieux et hypersensibles, plus capables de faire trois pas sans s'effondrer. Et évidemment, tous nos tracas tournent autour des hommes, puisqu'il n'y a que ça qui intéresse les femmes au fond (et que nous sommes toutes parfaitement hétérosexuelles).
Entre les pubs qui nous font croire que les règles n'existent pas et ne sont qu'un mythe inventé par de vieilles civilisations éteintes et qui souhaiteraient les effacer complètement de nos vies (pas de couleur, pas d'odeur, pas de relief, rien, c'est du vent, on les remarque même pas) et celles qui nous donnent l'impression que nos règles contrôlent complètement nos vies, on est pas rendues. Pas étonnant qu'on soit encore obligées de se farcir des "T'as tes règles ou quoi ?!" dès qu'on exprime une opinion ou qu'on pousse un coup de gueule - parce que les femmes n'ont pas de conscience propre, elles ne sont dominées que par leurs hormones et leurs règles et ne sont pas capables de réfléchir rationnellement et de formuler des pensées claires.
Le jour où on sera capables de parler des règles sans en faire un énorme tabou ou une farce caricaturale, on aura fait un sacré pas en avant. Il serait temps que cette fonction corporelle inévitable (et saine) ne soit plus utilisée comme une arme pour décrédibiliser les femmes et les exclure encore plus de notre société.