"N'hésitez pas à préciser que vous êtes en congé menstruel pour la journée. Il ne devrait y avoir aucune honte ou stigmatisation liée à une demande de congé d'une durée déterminée". Ça, c'est le mail que vous pourriez recevoir en travaillant pour Zomato. L'entreprise de livraison de repas à domicile basée en Inde a effectivement mis en place un congé menstruel, accordant dix jours de repos par an à toute employée en faisant la demande.
"Si vous êtes confrontée à une situation de harcèlement ou à des commentaires désagréables d'hommes ou de femmes sur le fait que vous avez demandé ce congé menstruel, veuillez le signaler à speakup@zomato.com", précise encore le PDG, Deepinder Goyal, sur le blog de l'entreprise. Une démarche salutaire, d'autant plus au sein d'un pays où les règles demeurent une source de superstitions, de préjugés et de violences. Un énorme tabou.
En début d'année encore, les responsables d'un établissement scolaire indien forçaient leurs 68 jeunes étudiantes à se déshabiller pour voir si elles avaient ou non leurs règles. Une humiliation institutionnelle, donc. C'est dire si l'initiative de Zomato dépasse le simple cadre du travail. Banalisé, le congé menstruel pourrait bien faire évoluer quelques mentalités rétrogrades à un niveau national. Tout du moins, on l'espère.
Seulement, la route est encore longue, et le patron de l'entreprise en est évidemment conscient. Dans une note adressée aux employés masculins, il précise : "Le fait que vos collègues féminines soient en congé menstruel ne devrait pas être synonyme d'inconfort pour vous. Cela fait partie de la vie, et même si nous ne comprenons pas pleinement ce que les femmes traversent, nous devons leur faire confiance quand elles disent qu'elles doivent se reposer". CQFD. Pour le PDG, il importe de déboulonner le sexisme ordinaire dans le monde du travail afin de garantir une véritable "culture collaborative". On l'imagine, l'égalité des sexes n'est pas le moindre des challenge.
C'est sous couvert d'une "culture de confiance et d'acceptation" que Zomato prône l'importance d'une parole libérée au sujet des règles, et des douleurs qu'elles peuvent impliquer. Mais tout aussi essentiels sont les employeurs compréhensifs et à l'écoute, défendant une politique inclusive. C'est aussi pour cela que le texte qu'adresse Deepinder Goyal à ses 4 000 employé·e·s concerne également les femmes transgenres, qui peuvent elles aussi bénéficier des dix jours annuels de congé. Une politique plutôt exceptionnelle puisque, comme nous le rappelle le New York Times, si le congé menstruel a pu s'implanter dans certaines entreprises d'Indonésie, du Japon, de la Corée du Sud ou encore de Taiwan, il est encore loin d'être banalisé dans toutes les boîtes.
En France d'ailleurs, le congé menstruel n'est pas encore d'actualité dans la loi et les entreprises. Au fil des années, la proposition investit les débats sans jamais aboutir à la moindre mesure. Et pas simplement dans l'Hexagone, mais au sein de l'Europe entière : seule l'Italie a sérieusement envisagé cette perspective il y a trois ans de cela, proposant un projet de loi autorisant les femmes à prendre trois jours de congés payés par mois en cas de règles douloureuses... mais sans prendre en compte toutes les femmes réglées. Effectivement, ce projet ne concernait que les salariées atteintes de dysménorrhée - une douleur qui précède, accompagne ou suit les menstruations.
Et si l'exemple de Zomato pouvait faire office de fer de lance ?