Les femmes seront-elles les grandes oubliées du plan de relance ? On est en droit de se poser la question. Un récent rapport de la Fondation des Femmes nous apprenait que sur les 35 milliards alloués en France aux plans de soutien sectoriels, seuls 7 milliards seront investis dans les emplois de femmes. De quoi grincer des dents.
Surtout lorsque l'on observe nos cousins canadiens. Car dans le Canada de Justin Trudeau, le plan de relance sera féministe ou ne sera pas. Afin de répondre à une véritable situation d'urgence (16 000 Canadiennes seraient au chômage depuis le début de la pandémie, sur 208 500 emplois "perdus" au total), le Premier ministre désire faire de l'emploi des femmes une priorité, comme le rapporte le journal Le Monde.
"La réintégration des femmes sur le marché du travail doit être un aspect fondamental des plans de relance", affirme Justin Trudeau, épinglant même la réalité "d'une récession au féminin". A l'unisson, la Vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland a affirmé au sein de la Chambre des communes que "le plan de croissance et d'emploi canadien est fondamentalement féministe". Dans les cinq années à venir, un système public de garde d'enfants doté d'un budget de 30 milliards de dollars devrait notamment voir le jour.
Mais comment expliquer cette récession ? Simple. "Les femmes ont été les plus touchées par cette crise, parce qu'elles partaient de plus loin que les hommes. 60 % des emplois à bas salaire sont occupés par des femmes, dans la restauration, le tourisme, le commerce de détail. Ils ont été les premiers à disparaître. Enfin, celles qui étaient à temps partiel ont également réduit leurs horaires, ce qui n'est pas sans conséquence sur un appauvrissement général des femmes à long terme", développe dans les pages du Monde la sociologue Sandy Torrès.
Encore une fois, les femmes sont en première ligne de la pandémie.
Et la France alors ? Les femmes ne semblent pas être la priorité du gouvernement français. "Alors que les secteurs féminisés sont les plus touchés par la crise du Covid 19, le plan de relance les oublie", déplorait en avril dernier la Fondation des femmes. A l'inverse, les principaux montants alloués pour cette relance se dédient aux secteurs "masculinisés", comme l'automobile (8 milliards d'euros alloués), l'aéronautique (15 milliards), les entreprises technologiques (4 milliards) ou encore le secteur du bâtiment (8 milliards).
"Au rythme actuel, il faudra attendre 135,6 ans pour atteindre l'égalité femmes-hommes. La crise a fait reculer ce combat de 30 ans. Défendons un plan de relance féministe pour lutter efficacement contre ces inégalités !", clame en retour l'ONG Oxfam France. Un mot-clé en évidence : "#NousAvonsLePouvoir, citoyen·ne·s !". Il est temps d'agir, et c'est justement pour cela que l'association lance une pétition pour sensibiliser le gouvernement à un "plan de relance féministe" jugé nécessaire.
"Nous ne laisserons pas la pandémie menacer les droits acquis de hautes luttes par les féministes depuis des décennies. Au contraire, nous voulons accélérer le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Dans trois semaines, la France accueillera un sommet des Nations Unies pour les droits des femmes, à Paris, le Forum Génération Égalité. Ensemble, nous avons l'occasion de demander au président Emmanuel Macron un vrai plan de relance féministe !", assure encore ce manifeste. Un idéal qui n'a rien d'abstrait en vérité.
Pour preuve, le texte en appelle notamment à promouvoir des politiques publiques "qui déchargent les femmes du travail domestique" en renforçant les congés parentaux et le service de la petite enfance, à corriger les inégalités en valorisant les métiers à prédominance féminine et en luttant contre la sous-représentation des femmes à la tête des entreprises, mais aussi à augmenter les financements en faveur de l'égalité femmes-hommes, en apportant un plus net soutien financier aux organisations féministes, par exemple.
Comme le rappelle encore l'organisation Oxfam, 64 millions de femmes ont perdu leur emploi dans le monde depuis le début de la pandémie. En France, c'est 1 femme sur 3 qui a vu son activité professionnelle s'arrêter. C'est dire si dédier simplement 20 % du budget national d'un plan de relance aux femmes ne suffit (vraiment) pas.
"Il n'est pas encore trop tard pour profiter de l'élan économique donné par la relance pour faire reculer les inégalités entre femmes et hommes", espère de son côté la Fondation des Femmes. A bon entendeur.