"Réparer le monde, pour se réparer soi-même", c'est ainsi que l'émission Les grands entretiens, présentée par Daphné Roulier et diffusée dimanche 16 mai sur la chaîne LCP, résume le "fonctionnement" de Cyril Dion. Au fil d'un échange passionnant d'une trentaine de minutes, la journaliste et le co-réalisateur de Demain, avec Mélanie Laurent, et d'Animal, reviennent sur son parcours engagé. Et puis, ils abordent les blessures personnelles du cinéaste, poète et militant écolo, garant de la Convention citoyenne pour le climat.
A la question : pourquoi une telle fascination pour les causes perdues, Cyril Dion répond : "Je voulais réparer autour de moi, sans comprendre que j'espérais me réparer moi-même. Mais ça ne marche pas comme ça (...). Tant que je passe 70 heures par semaine à réparer le monde, je ne passe pas ce temps à regarder ce qui ne va pas à l'intérieur de moi".
"Ce qui ne va pas vient", entre autres, de son enfance. Il se confie sur la façon dont il avait le sentiment d'être "soumis à la volonté des adultes", et s'est construit pour ne plus être "opprimé, dominé". Il déclare alors : "J'ai vécu des agressions sexuelles". Et d'ajouter : "C'est la première fois que je suis peut-être capable d'en parler".
Sans en dire davantage, il décrit les pensées "morbides" qu'il a eues plus jeunes, mais aussi comment de nombreuses crises de panique l'ont mené à suivre plusieurs thérapies. Lesquelles diagnostiqueront le burn-out qu'il a vécu en 2012 et lui permettront également de ne plus "tourner autour du pot" quant à ces "événements" qu'il mentionne. "J'étais à un moment de ma vie où j'étais pétri d'angoisses, de problèmes de ventre... Il fallait que je trouve une solution, c'était invivable".
Ce qui l'a incité à décortiquer ces traumatismes, c'est aussi la publication de La Familia Grande, le livre de Camille Kouchner qui dénonce l'inceste subi par son frère jumeau, victime de son beau-père Olivier Duhamel. "Je pense qu'on a été nombreux avec le livre de Camille Kouchner, à avoir des trucs qui remontent", formule Cyril Dion. La preuve de l'importance d'une telle libération de la parole, et de l'impact qu'un seul récit peut générer.
Suite à la diffusion de ces séquences, le réalisateur a pris la plume. "Si j'ai décidé de partager ce qui m'est arrivé, c'est pour continuer ce que d'autres ont commencé avant moi", écrit-il sur Instagram, dans un texte accompagné du hashtag #MeToo.
Il poursuit, rappelant des chiffres terrifiants : "Mon cas est immensément loin d'être particulier. 1 enfant sur 5 est victime de violence sexuelle en Europe. Selon un rapport de l'OMS, 20% des femmes et 5 à 10% des hommes dans le monde ont subi des violences sexuelles pendant leur enfance. Chiffre certainement sous-estimé. (...) Selon le même rapport de l'OMS dans 94% des situations, c'est un proche. 1 enfant victime sur 2 est agressé par un membre de sa famille."
Face à ce constat dramatique, il tire une conclusion : "Il y a un problème avec les hommes". "J'ai deux enfants aujourd'hui. Je ne peux même pas imaginer qu'il leur arrive une chose pareille. Cela ne devrait arriver à aucun enfant. Nous DEVONS regarder la réalité en face et protéger nos enfants. Et nous occuper toutes affaires cessantes de l'éducation des jeunes hommes... Car 96 % des auteurs d'inceste sont des hommes. Entre 94 % et 98 % des violeurs sont des hommes. C'est moche, c'est triste, ce ne sont pas tous les hommes (j'en suis un je le sais) mais c'est un fait. Il y a un problème avec les hommes."
Cyril Dion conclut : "Les femmes ont eu le courage de parler, de se dresser, de se battre pour l'égalité et pour que cessent ces violences. Les hommes doivent s'y mettre d'avantage. Nous sommes loin du compte.
Jamais nous ne construirons de planète sans bombes, sans guerres, sans meurtres si nous ne commençons pas par protéger les enfants et soigner les adultes. Et si nous ne laissons pas toute leur place aux femmes, à égalité".
Des mots puissants qui ne pourront que contribuer à paver la voie de changements majeurs, et à briser un silence aux conséquences désastreuses.