Frédéric Lopez apparaît dans une vidéo publiée par Psychologies magazine sur Instagram, le 2 janvier. L'animateur connu pour son émission Rendez-Vous en Terre Inconnue répond aux questions du Divan sur la masculinité mais aussi le mouvement Me Too, son rapport à la vulnérabilité etc. Il a 57 ans, est un homme cis, hétéro, blanc, célèbre, donc forcément, parler des rapports femmes-hommes avec lui comporte des risques de crispations. Récemment, on en a eu l'exemple avec les propos de Jean-Marie Bigard sur Me Too, dont on vous parlait dans cet article.
Tout n'est pas à jeter dans le discours de Frédéric Lopez. On peut d'abord se réjouir qu'il reconnaisse les mentalités machistes qui ont forgé l'éducation des garçons de son époque. "J'entendais : "on est un homme si on ne pleure pas"", raconte-t-il au sujet de son père. Il raconte aussi cette fois, lorsqu'il était plus jeune, où il s'est retenu de pleurer au cinéma par peur de se faire traiter "de femelettes etc". "Il y avait des injonctions terribles quand j'ai grandi", reconnaît-il.
On adhère aussi à son discours lorsqu'il critique "l'homme Malboro" décrit par Elisabeth Badinter dans son livre "XY" et qu'il dit regretter que les hommes n'aillent pas chez le psy par peur de paraître faible. L'animateur va jusqu'à se confier sur des moments difficiles qu'il a traversé. "Je suis très à l'aise avec ma vulnérabilité (...), affirme-t-il. J'ai vécu des épreuves qui m'ont fragilisé." Et de citer par exemple son burn-out survenu en pleins succès de Rendez-vous en Terre Inconnue.
Le problème, c'est tout le reste. "J'ai travaillé avec des femmes, j'ai toujours eu des patronnes qui étaient des femmes, la plupart de mes collaborateurs sont des femmes, donc moi je suis un peu un cas particulier", dit-il. Et pourtant, il est navrant de constater que le fait d'avoir évolué dans un milieu professionnel entouré de femmes ne fait pas de lui une exception car son discours est tristement cliché.
Finalement, tout le long, Frédéric Lopez n'a de cesse de dire sans le dire : Not All Men, et ça c'est exaspérant. "Je comprends que les hommes s'interrogent, parce que ce mouvement Me Too a mis tout le monde dans le même sac, et donc je connais pleins de potes qui disent "mais attends, tout le monde n'est pas machin ou bidule" sans citer les noms de ces gens qui ont fait des trucs horribles."
Déjà, Me Too, n'a pas "mis tout le monde dans le même sac". Me Too a permis à toutes les femmes de dire qu'elles avaient été victimes de violences sexistes ou sexuelles (VSS), de ne plus en avoir honte et de faire entendre leur voix pour exiger que justice soit faite. L'occasion de se rendre compte que si toutes les femmes étaient victimes de VSS, c'est que quelque part, tous les hommes étaient concernés aussi. Et pourtant, Frédéric Lopez affirme encore le contraire.
Ensuite, pourquoi ne pas citer les noms des agresseurs notoires ? Les Depardieu, les PPDA, les Weinstein, les Epstein, les Warhol, les Hulot, les Baupin etc. Ne pas les citer, c'est perpétuer le silence sur les agressions qu'ils ont commises, c'est leur bénéficier d'un anonymat qui les couvre et les protège. C'est participer au boys club.
"C'est un sujet très complexe et il y a beaucoup d'amalgames, et en fait tous les hommes ne sont pas des prédateurs, tous les hommes ne sont pas des gens dominants et tous les hommes ne sont pas toxiques", affirme encore l'animateur. Là encore, forcé de constater que Frédéric Lopez n'a pas compris l'ampleur du problème que l'on s'efforce de décrire comme systémique. Pourtant, récemment, grâce à l'affaire Pelicot et les 51 accusés sur le banc, on a eu la preuve frappante que oui, tous les hommes étaient de potentiels agresseurs.
En commentaires de la vidéo, les internautes ne sont pas toutes et tous d'accord. Certains applaudissent les propos de l'animateur. "Merci pour ce témoignage très touchant", écrit l'une d'entre eux. D'autres vont même jusqu'à le qualifier d'"homme inspirant".
Mais d'autres se désespèrent. "Mais il se rend compte de ses paroles complètement à côté de la plaque ? Le mouvement metoo n’a jamais eu vocation à mettre tous les hommes au pilori. C’est un mouvement qui a libéré la parole des femmes !", s'agace une abonnée. "J’apprécie beaucoup Frédéric Lopez comme journaliste et pourtant, là j’ai l’impression qu’il n’a rien compris", tranche un autre. Le travail est loin d'être fini.