Si vous ne le connaissez pas encore, Denis Balbir est commentateur de football sur W9. Suspendu en avril pour des propos homophobes tenu après un OM-Leipzig, il avait déclaré que les joueurs du club allemand étaient des "PD arrogants" et des "enfoirés". Révélés, ces propos lui avait valu d'être sanctionné et de ne plus commenter de match pendant un mois.
Mais Denis Balbir vient de récidiver, dans un nouvel exercice : il s'illustre cette fois-ci avec des propos ouvertement sexistes et assumés comme tels. Interpellé par Martine, une téléspectatrice de l'émission de TV Magazine qui lui demande pourquoi il n'y a pas de femme qui commente de match, il commence par évoquer Camille Abily, ancienne internationale qui a rejoint W9 en tant que consultante et pas commentatrice de match. Il évoque sa "capacité à être consultante".
Denis Balbir poursuit : "De là à commenter le football masculin par une femme moi, je suis contre. Donc voilà vous me posez la question, je réponds. Je suis contre pourquoi ? Parce qu'une femme, elle pourra jamais avoir un timbre de voix, dans une action de folie, elle va monter dans les aigus. Ça va forcément être un peu plus délicat [...]. Après je sais qu'on va me traiter de misogyne, de sexiste et tout ça [rire des animateurs] parce que je dis ça, et brutalement, c'est la vérité. Mais c'est pas ce que je veux dire. C'est pas parce que c'est une femme, pour moi, c'est le timbre de voix qui ne fonctionnerait pas."
Alors bingo, Denis ! Comme tu l'avais deviné sans te retenir de le dire, c'est misogyne. Des professionnel·les ont réagi sur Twitter, dont la spécialiste du sexisme dans le sport Béatrice Barbusse et les journalistes sportives Caroline Bauer et Anne-Laure Bonnet qui n'y va pas de main morte.
Déjà cela convient à dire que toutes les femmes ont des voix aiguës (ce qui est évidemment faux). Et quand bien même elles auraient "des voix aiguës", qu'est-ce qui les empêcherait de commenter un match, à part l'inconfort de Denis (et d'Estelle Denis). Comme on l'apprend en école de journalisme, des techniques existent pour poser sa voix. C'est ce que tous et toutes les professionnel·les de radio ou de télé ont appris à faire.
Par ailleurs, rappelons cette étude réalisée par une université allemande qui a déterminé que depuis 1945, les voix des femmes étaient devenues plus graves dans les sociétés plus égalitaires. L'un des chercheurs expliquait que "l'esprit de notre époque se reflète dans la voix. Les voix féminines hautes étaient autrefois chic [...] Il y avait beaucoup de voix aiguës, féminines et douces qui appelaient à un besoin de protection. La femme d'aujourd'hui est pleine de vie. Elle n'a plus besoin de protection. C'est pour cela que ça sonne différemment."
Le réel problème se pose donc autrement. Plutôt que de déclarer qu'une voix aiguë l'indispose, Denis Balbir devrait plutôt déconstruire le fait que les aigus ne sont pas l'apanage des femmes et qu'elles peuvent aussi avoir une voix grave. Il devrait également déconstruire l'association entre voix grave, compétences et autorité.
Lise Burion, journaliste pour la RTBF et commentatrice sportive, a réagi à la polémique suscitée par Denis Balbir par le biais d'un tweet : "Le débat a eu lieu aussi chez nous (Belgique francophone) cet été pendant la Coupe du Monde, suite aux attaques contre la commentatrice allemande. Moi j'ai déjà commenté vélo et foot en radio (rare mais ça arrive): jamais reçu de réaction négative du public".
L'animateur de TV Magazine demande ensuite avec le sourire à Denis Balbir si cela passe mieux sur un match féminin, ce à quoi il répond : "Ça marche mieux sur un match féminin tout simplement parce qu'elle a un rôle de consultant [...] Moi je parle du commentateur. Comme on dit, il y a un numéro un, c'est le commentateur et le numéro deux, le consultant. Là, je parle d'un rôle de commentateur numéro un pour une femme, qui pour moi serait plus dangereux même pour elle".
Par contre, "mettre une femme en tant qu'expert sur du football masculin" ne le "dérange pas". Ouf ! Parce que lui-même a la permission de commenter des matchs féminins sur sa chaîne. Encore une fois, les femmes se retrouve invisibilisées. Elles sont "experts" et pas "expertes", "consultants" et pas "consultantes". Merci pour elles.
Pourtant, juste avant sa sortie sexiste, Denis Balbir avait eu un discours inspirant sur ce qu'il lui avait donné envie d'être journaliste sportif : "Quand on a sept-huit ans et qu'on se dit : 'J'aimerais tellement commenter du foot' et qu'on y arrive, bah on vit de sa passion".
Figurez-vous que des jeunes filles qui rêvent de commenter le sport, il y en a un paquet. En juin, Anne-Laure Bonnet qui travaille pour BeIn Sport nous avait expliqué qu'elle recevait des lettres de jeunes filles. Elles étaient inspirées et la considéraient comme un modèle.
Si Denis Balbir a rêvé de devenir commentateur sportif, c'est bien parce qu'il avait aussi des modèles. Mais avec ses déclarations grossières, il vient de briser les rêves de petites filles qui ont des envies de football.
Vouloir se priver de journalistes sportives, c'est être terriblement ringard et passer à côté d'une tendance lourde qui est la féminisation du sport à la télévision. Que cela soit du côté des journalistes mais aussi des matchs diffusés. L'organisation Les Dégommeuses, qui lutte contre les discriminations dans le sport, a d'ailleurs recensé quelques femmes qui officient déjà sur de nombreuses antennes et qui ont cassé toutes les barrières.
En cette année de Coup du Monde notamment, les filles veulent du foot. Elles sont 15 % de plus à s'être inscrites dans des clubs à la rentrée. Les années précédentes, c'était +10 %. Les modèles de joueuses mis en avant sont clairement à mettre dans les arguments qui ont poussé ces footeuses en herbe à s'enrôler, au-delà du succès des hommes à la Coupe du monde.
Suspendu pour ses propos homophobes en avril, on attend de connaître ce qui guette Denis Balbir après ce nouveau dérapage. En tout cas, nous, nous avons eu notre dose de ses "commentaires".