"Une femme devrait être née en 2255 pour obtenir un salaire égal à celui d'un homme". Ce titre en forme de prédiction surréaliste a tout d'un roman de science-fiction - plutôt dystopique. Et pourtant, il s'appuie sur des données bien réelles. C'est ainsi que s'intitule la dernière recherche du Forum Economique Mondial (le World Economic Forum), cette organisation indépendante et internationale qui étudie l'état du monde et ses avancées.
Selon le FEM, il faudra donc attendre 257 ans (avec de la chance) pour que l'égalité salariale devienne réalité. Une rémunération équitable entre les sexes, ce n'est donc ni pour aujourd'hui, ni pour demain - mais plutôt après, après-demain. Car si, depuis l'an dernier, le rapport du Forum constate "une augmentation de 2% du nombre de femmes occupant des postes à responsabilité" (une bonne chose), force est de constater que les disparités financières augmentent, au sein des 153 pays pris en considération par l'étude. Et ce n'est pas tout.
Élargissement des disparités économiques entre les sexes, intégration des femmes au marché du travail "au point mort", écart salarial considérable... Le bilan de fin d'année n'a rien d'un conte de fées. Voyez plutôt : en 2019, 55% de femmes ont investi le marché du travail, contre 78% d'hommes, affirme l'étude. C'est peu. Si les inégalités tendent à s'amoindrir - tout du moins globalement - pour ce qui est des domaines de l'éducation, de la politique et de la santé, la question de la rémunération jette encore un froid sévère. Et ce n'est pas qu'une question de chiffres, non, c'est un souci planétaire.
Dans le monde, précise la recherche factuelle du Forum, le revenu annuel moyen d'une femme est de 11 500 dollars (environ 10 336 euros). Et celui de l'homme, alors ? Tenez-vous bien : 21 500 dollars (19 324 euros). 10 000 dollars (soit 8988 euros) de différence. Difficile de mieux dire le poids de l'écart salarial. Et encore, ces chiffes s'avancent sans tenir compte de ces nombreux pays où les femmes ne peuvent même pas gagner leur vie et souffrent "d'un manque d'accès aux capitaux".
Mais comment l'expliquer, cet écart ? De bien des manières. Par les emplois qu'occupent les femmes, potentiellement moins bien rémunérés, le poids de la "charge maternelle" également, et, à travers elle, l'occupation de jobs "à temps partiel" - contre un temps-plein, pour leurs homologues masculins - ou encore les conséquences de l'automatisation : dans certains jobs, le recours à la robotisation fait bien plus de mal aux femmes qu'aux hommes.
Surtout, il faut comprendre que cet écart concerne également les opportunités de carrière. Un problème plus complexe encore, qui a trait à un sexisme professionnel systémique et normalisé. C'est par exemple l'intégration très incomplète des femmes au sein de certains domaines professionnels "d'avenir", ceux de la "nouvelle économie" (c'est-à-dire de la high-tech) qui vient alourdir l'état de ces disparités. C'est le cas dans le secteur de l'ingénierie - où seulement 15 % des salarié·es sont des femmes - et celui de la data (et de l'intelligence artificielle), un secteur majoritairement masculin : les femmes n'y sont représentées qu'à 26 %.
Bien sûr, certains pays sont toujours moins honteux que d'autres. On pense à la Norvège, à la Suède ou à la Finlande par exemple. Mais en France, ce n'est pas encore ça. Par rapport à l'étude du FEM effectuée en 2018, le pays perd deux places et se retrouve donc au quinzième rang mondial pour ce qui est de l'égalité femmes-hommes. Pas étonnant : rappelons que dans notre cher Hexagone, les femmes touchent en moyenne 18,5 % de moins que les hommes à équivalent temps plein. Il n'y a pas de quoi se réjouir.
En 2018, les chiffres du FEM, plus optimistes, suggéraient que l'égalité entre les sexes serait globalement assurée d'ici 202 ans. Aujourd'hui, cette prédiction (finalement optimiste) a augmenté de 55 ans. Et c'est pour cela que le Forum Economique Mondial encourage les entreprises à prendre leurs responsabilités sans plus tarder.
"Soutenir la parité entre les sexes est essentiel pour assurer des sociétés fortes dans le monde entier. La diversité est un élément essentiel", conclut l'étude. L'égalité salariale est une exigence cruciale. Elle n'attendra pas la fin du monde.