Après la condamnation à quatre mois de prison ferme des militantes françaises et allemande des Femen, Pauline Hillier, Marguerite Stern et Joséphine Markmann, pour avoir manifesté seins nus dans les rues de Tunis, les témoignages de soutien ne cessent d’affluer. Parmi eux bien entendu, celui de la mère de Pauline. Quelques heures avant le verdict, Danielle Hillier espérait encore, au micro de France Info, la « clémence des juges » tunisiens pour « une manifestation non-violente » ou « personne » n’avait été agressé. Une fois le verdict tombé, elle a jugé la peine « vraiment sévère. Même si on peut entendre que ça peut avoir interpellé les gens d'un point de vue culturel, on est presque à la peine maximum », a-t-elle déploré. En effet, les trois jeunes femmes risquaient jusqu'à six mois d'incarcération.
Une sentence contre laquelle Inna Shevchenko, la porte-parole des Femen, s’est également insurgée dans différents médias. « C'est une décision politique qui confirme le caractère dictatorial de la Tunisie, pour qui il est plus simple de mettre des filles en prison que de reconnaître que les femmes ont le droit de disposer librement de leur corps », a-t-elle indiqué à Francetvinfo.fr. Sur LeParisien.fr, elle appelait par ailleurs à poursuivre la mobilisation. « Rien ne nous arrêtera, notre action va devenir encore plus forte », a-t-elle prévenu. Et d’ajouter : « Trois Européennes condamnées à de la prison ferme pour des démonstrations topless en faveur de la paix, reste un terrible message envoyé au monde. Cette condamnation démontre une fois de plus que le Printemps arabe a été confisqué par les islamistes. »
Mais en Tunisie, où l’action des Femen avait effectivement choqué sans déchaîner les foules pour autant, le verdict semble également disproportionné. « C'est vrai qu'en Tunisie, c'est (le topless, ndlr.) un outrage à la pudeur, mais de là à les mettre en prison, et pour quatre mois ferme ! Je suis vraiment préoccupé par l'état des libertés en Tunisie. C'est quand même un message lourd de sens, aujourd'hui », a ainsi confié Ahlem Belhadj, présidente de l’association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) sur les ondes de la radio RFI. Quant à Souhaib Bahri, l’avocat de la Femen tunisienne Amina Tyler, elle aussi détenue depuis la mi-mai, il perçoit dans ce jugement le poids des islamistes tunisiens. « Le tribunal a cédé à la pression des associations islamistes. Il a créé un délit de blasphème en Tunisie car, au vu de la sévérité, c’est un jugement à connotation religieuse, analyse-t-il dans les colonnes de Libération. On essaie d’instaurer un État religieux. Je suis inquiet aussi pour l’état de la justice, car les jugements ne sont pas proportionnels. Les vingt personnes jugées pour l’attaque de l’ambassade américaine ont écopé de deux ans avec sursis. Mais pour des questions de liberté d’expression, pour des faits beaucoup moins grave, on emprisonne. »
Alors que le président François Hollande se prépare à se rendre en Tunisie début juillet et que le Quai d’Orsay a, lui aussi, pointé déploré la sévérité de la peine infligée à ces militantes européennes, cette dernière pourrait prendre une tournure diplomatique. D’ailleurs, après avoir exigé la libération des jeunes femmes, l’association Osez le féminisme a appelé le président « à agir au plus vite, et à porter ce message au nom de la France lors de sa visite officielle ». De leur côté, les avocats des Femen, Patrick Klugman et Ivan Terel, ont annoncé qu’ils se rendraient « à Tunis pour amplifier la mobilisation internationale, surtout dans la perspective de la venue » du chef de l’État français.