C'est une décision particulièrement importante en matière de filiation que la Cour de cassation a prise ce mercredi 18 décembre. Celle-ci a statué, dans deux arrêts, en faveur d'une reconnaissance des deux parents suite à un gestation pour autrui (GPA) pratiquée à l'étranger. Jusqu'alors, seul le père biologique était reconnu en France, mettant de côté le second papa qui donc, juridiquement parlant, n'avait aucun lien avec son enfant.
Ce mercredi (18 décembre), les hauts magistrats ont validé la transcription de la filiation d'enfants nés aux États-Unis pour le père biologique ainsi que pour son mari dans un premier cas et, dans un second cas, pour le père biologique et son compagnon, rapporte le Monde. Seule condition : que l'acte de naissance étranger soit conforme au droit local, comme c'est le cas aujourd'hui aux États-Unis.
Dans ces deux arrêts, la Cour de cassation étend ainsi aux couples d'hommes une jurisprudence datant d'octobre dernier, permettant à la "mère d'intention" au sein d'un couple hétérosexuel d'être reconnue comme parent de son enfant suite à une GPA pratiquée à l'étranger. Il s'agissait du cas emblématique des jumelles Mennesson, nées par GPA en Californie il y a 19 ans, dont les deux parents, Sylvie Mennesson et Dominique Mennesson, se sont battus depuis la naissance de leurs filles pour être légalement reconnues en France comme les parents de leurs jumelles.
Après des années de lutte, la Cour de cassation validait le 4 octobre 2019 l'entière transcription en droit français des actes de naissance des deux femmes, créant au passage un cas de jurisprudence pour les familles dans la même situation. "C'est une immense victoire pour la famille Mennesson, la fin d'un combat de 19 ans", déclarait alors à France Info l'avocat de la famille, qui ajoutait "ce combat est définitivement et complètement gagné" et "cela fera jurisprudence pour des cas identiques à ceux de la famille Mennesson."
Un cas de jurisprudence qui s'applique donc désormais également aux familles homoparentales, suite à la décision de la Cour de cassation de ce 18 décembre. La Cour précise : "Une GPA légalement faite à l'étranger ne fait pas, à elle seule, obstacle à la transcription de l'acte de naissance des enfants désignant le père biologique et le père d'intention."
Une énorme avancée en matière de filiation, comme le souligne Me Françoise Thouin-Palat, avocate des couples concernés auprès de l'AFP : "La Cour de cassation dit, pour la première fois, que les actes d'état civil étrangers doivent être transcrits dès lors qu'ils sont réguliers. C'est capital". La Cour "s'est indéniablement distanciée d'une conception purement biologique de la filiation et, avec elle, de l'affirmation selon laquelle la vérité de la maternité serait dans l'accouchement", précise-t-elle.
Bien qu'interdite en France, la GPA ne constitue donc désormais plus un frein à la filiation, à condition d'avoir été réalisée dans un pays qui l'autorise. Un progrès considérable pour les couples d'hommes qui, actuellement en France, ne bénéficient que de l'adoption pour fonder une famille. Du moins en théorie, puisque très peu de couples sont parvenus depuis le passage de la loi du mariage pour tous à adopter.
Nicolas Faget, porte-parole de l'Association des parents gays et lesbiens (APGL) assurait ainsi en 2018 à Europe 1 : "Il n'existe pas de chiffres officiels, mais le nombre de couples qui ont pu adopter en France ou à l'étranger est inférieur à dix."
En cause : bien souvent, la procédure d'adoption française qui laisse aux "conseils de famille" un pouvoir considérable sur la validation des dossiers. "On n'a rien contre les couples de mêmes sexe, mais tant qu'on aura des couples jeunes, stables, avec un père et une mère, on les privilégiera", déclarait ainsi en 2018 à Europe 1 Jean-Marie Müller, qui préside le conseil de famille de Meurthe-et-Moselle. Une discrimination flagrante qui pousse de nombreux couples d'hommes à se tourner aujourd'hui vers la GPA.