L’affaire a débuté à la fin septembre. «Devant l'affluence croissante des fidèles », la Grande Mosquée de Paris a décidé de séparer hommes et femmes pendant la prière. L'histoire aurait pu en rester là sans les protestations émises par le collectif « Les Femmes dans la mosquée ». Frustrées par l’absence de réponse du recteur Dalil Boubakeur à leur pétition contre l'interdiction de prier avec les hommes, ces militantes ont essayé, samedi 21 décembre, de rejoindre la salle principale. Ce qui a donné lieu à une « bagarre généralisée », à la suite de laquelle le collectif comme la Grande Mosquée ont saisi leurs avocats respectifs. La tension n'est pas retombée depuis. À la Grande Mosquée, on évoque ainsi un « groupuscule de six ou sept activistes féministes islamistes, inconnues des fidèles réguliers ». Hanane Karimi, porte-parole du collectif, revient, elle, sur les principaux points de cette affaire qui « pose la question du rapport entre les femmes et la religion musulmane. »
Pour Hanane Karimi, l’aspect le plus grave au sein de cette polémique est le refus de dialogue manifeste chez les représentants de la Grande Mosquée de Paris. « Suite à l’altercation qui a eu lieu, la Grande Mosquée de Paris a diffusé un communiqué dans lequel elle nous traite de 'groupuscule féministe', une disqualification et un dénigrement qui n’ouvrent pas le dialogue. Cette manière de faire tend à éviter la question hautement problématique de la place des femmes dans la communauté musulmane et dans les mosquées », explique-t-elle. Le silence du recteur de la Grande Mosquée de Paris est particulièrement pointé du doigt : « Dalil Boubakeur n’a jamais daigné nous répondre et n’a jamais répondu à mes demandes d’entrevue », affirme-t-elle. Et d’ajouter : « On pensait qu’il allait envoyer un signal fort, mais on n’a reçu aucun message d’ouverture et c’est tout à fait regrettable pour les musulmans et les musulmanes en France. »
Revenant sur cette décision d'interdire aux femmes l'accès à la salle principale, Hanane Karimi constate : « Nous remettons en cause toute une idéologie qui veut que la femme reste à la place qu’on lui a assignée alors qu’elle a décidé d’une autre place. On a ouvert une brèche, car notre but est de questionner les autorités, les institutions, etc, au sujet de la place effective, et non théorique des femmes. » Et la porte-parole de souligner l'absence d'instance représentant les femmes musulmanes. Pour pallier ce manque, le collectif compte en appeler au Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), et envoyer des courriers aux mosquées pour organiser des consultations afin que les femmes puissent faire part de leurs besoins. « Nous voulons rompre avec le cliché regrettable véhiculé par la Grande Mosquée de Paris. En tant que femmes musulmanes et voilées, nous sommes déjà largement stigmatisées dans la société et nous subissons également des discriminations religieuses », revendique Hanane Karimi.
Hanane Karimi récuse enfin la qualification de « féministes » employée par la Grande Mosquée de Paris au sujet du collectif et se défend de toute revendication dans ce sens. « Ce n’est pas le mot approprié pour notre mouvement car nous voulons simplement rétablir une tradition qui vient du Prophète. Nous ne pouvons pas être apparentées à un courant féministe, car le féminisme implique que les femmes sont contre les hommes, alors que nous avons des hommes qui nous soutiennent dans notre combat », conclut la porte-parole.
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