Elles éprouvent toutes sortes de discriminations sexistes, bien souvent en silence, durant leurs études, à leur travail, dans la vie de tous les jours. En plus de subir des préjugés constants et une précarité financière étouffante, elles sont également deux fois plus susceptibles d'être victimes d'agressions sexuelles que des femmes valides. Sur plus de 3 000 anonymes interrogées, 40 % d'entre elles déclarent avoir déjà été violentées - physiquement, sexuellement, psychologiquement. Bref, les femmes en situation de handicap souffrent, mais la société les ignore.
"Elles sont complètement oubliées des politiques publiques et leur situation n'est pas prise en compte dans les politiques du handicap qui sont 'asexuées'. Cela ne peut plus durer", souligne Pascale Ribes, l'administratrice de l'APF France handicap. Et c'est pour cela qu'aujourd'hui, le Sénat a décidé de tirer la sonnette d'alarme. L'institution a adopté une proposition de résolution transpartisane le 8 janvier dernier à ce sujet. Elle exige désormais "la mobilisation de toute la société" contre "ce fléau" que sont les violences faites à ces femmes "invisibles".
Et que trouve-t-on dans cette "proposition" ? Des rappels d'utilité publique. Ce texte a pour vocation d'éveiller les consciences en insistant sur la "particulière vulnérabilité" de ces femmes aux violences, "notamment sexuelles". Des abus trop normalisés, aussi bien observés dans les transports et à leur domicile que "dans les institutions spécialisées", prévient le Sénat, qui en profite pour saluer le travail des associations qui se chargent de protéger, d'accueillir et de soutenir ces victimes.
On le comprend, il est plus que temps que le regard porté sur les femmes handicapées évolue. Et que la parole de celles-ci se libère et "soit entendue".
Ce ne serait pas trop tôt : ce texte s'appuie sur un rapport édifiant de la délégation aux droits des femmes ("Violences, femmes et handicap : dénoncer l'invisible et agir") daté d'octobre 2019. Et à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes de l'an dernier, l'APF France handicap insistait déjà sur l'inaction du gouvernement, et notamment de la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel, laquelle se contenterait seulement de "quelques promesses qui non pas été suivies d'effet". Cependant, sous les mots de cette proposition déposée au Sénat par Annick Billon, présidente de la délégation aux Droits des femmes, se profile une invitation à agir.
Cette proposition insiste par exemple sur un élément primordial : l'importance de l'autonomie économique des femmes en situation en handicap, qui bien souvent souffrent de dépendance financière. Changer les choses exigerait donc de faciliter leur accès "aux études, aux formations et à l'emploi". Il est également important que les politiques du handicap intègrent cette essentielle notion d'égalité femmes-hommes. Pour le Sénat, la question des violences faites aux femmes handicapées est avant tout un grand enjeu de politique nationale.
Et c'est pour cela qu'elle doit figurer dans la liste des propositions du Grenelle des violences conjugales, initié par Marlène Schiappa en septembre 2019. Et l'urgence de leur situation ne doit pas non plus être ignorée par les acteurs "de la chaîne judiciaire". De ce Grenelle, achève l'instance, ces femmes ne doivent pas être "les oubliées". Car elles sont avant tout "des citoyennes à part entière", affirme Sophie Cluzel sur Twitter. Un message qui n'échappera certainement pas à la Secrétaire d'État chargée de l'égalité femmes-hommes.