C'est la troisième année consécutive que La Fondation des Femmes organise le Prix Gisèle Halimi, concours en hommage à l'illustre avocate et défenseuse des droits des femmes. Une compétition orale au fil de laquelle une dizaine de participantes vient s'exprimer sur le sujet des violences faites aux femmes, pour dénoncer le "sexisme par le verbe". En 2018, Christiane Taubira, ex-Garde des Sceaux en avait été la présidente du jury. Cette année, lors de l'édition qui a eu lieu le 7 septembre 2019 au studio 104 de la Maison de la Radio, les prestations ont été jugées par Muriel Robin (actrice), Julie Gayet (actrice et productrice), Titiou Lecoq (journaliste), Valence Borgia (avocate), Lauren Bastide (journaliste et créatrice du podcast La Poudre), Christiane Féral-Schuhl (avocate et présidente du Conseil national des barreaux), Sandrine Treiner (directrice de France Culture), Fatou Diome (autrice et présidente du jury) et Gisèle Halimi (avocate et présidente d'honneur du jury).
A l'issue d'une journée intense en témoignages et en déclaration percutantes, une concurrente s'est vu remettre le prix coup de coeur de l'événement : Catherine Zlatkovic. Sa particularité, au-delà d'un récit poignant et d'une présence indéniable sur scène, est son handicap. Catherine Zlatkovic est sourde, et parle avec le langage des signes. Un moyen d'expression qui, s'il permet aux personnes atteintes de surdité de communiquer, est bien trop peu enseigné à l'ensemble de la société, et les maintient dans une exclusion aux conséquences parfois tragiques.
Elle raconte ainsi l'histoire du féminicide de Joanna, une femme sourde retrouvée brûlée vive à son domicile par la police, le 28 juillet 2016, alors qu'elle avait déposé plusieurs fois une main courante contre son conjoint - qu'elle avait décidé de quitter. A travers ce meurtre, la lauréate s'indigne contre le fait qu'aucun agent officiel ne parle la langue des signes.
"Au commissariat, pas de langue des signes ! Dans l'hôpital, pas de langue des signes ! Dans les associations, pas de langue des signes ! Chez l'avocat, pas de langue des signes ! Jamais, jamais. Le silence partout. Et nous, découragées, on abandonne". Elle dénonce l'emprise de ce silence, qui rend la vie des femmes sourdes et en situation de handicap périlleuse. Un silence dangereux, voire mortel, car personne n'écoute leur souffrance, comme elle le souligne tristement dans le cas de Joanna : "Personne ne l'a écoutée, jusqu'à ce qu'on n'entende plus parler d'elle".
Elle martèle que les femmes en situation de handicap sont trois fois plus victimes de violences conjugales, et que 80 % des femmes en situation de handicap sont victimes de violences (un rapport de l'ONU parle également de 4 femmes sur 5). Des chiffres peu communiqués, qui témoignent de l'indifférence dans laquelle ces victimes évoluent. "A l'ère des inventions technologiques, des avancées sociétales, les institutions nous passent sous silence", poursuit-elle. Cette injustice, Catherine Zlatkovic l'a brillamment et sobrement évoquée dans son intervention qui a captivé l'audience et le jury. Elle la conclut par l'impératif : "Arrêtons de détourner le regard. Il suffit d'ouvrir ses yeux et d'écouter un minimum. Alors maintenant, on écoute, maintenant, on agit".
Le 27 septembre, 111 femmes avaient été victimes de féminicides depuis le début de l'année. Soit 10 depuis le début du Grenelle des violences conjugales.