"Un homme est trop collant ? Tu ne te sens pas en sécurité ? Tu es témoin d'un comportement anormal ? Demande un 'Mademoiselle' au personnel du bar !", proclament depuis quelques semaines les affiches d'une dizaine de bars strasbourgeois. Le Mademoiselle en question n'a rien d'une potion magique qui anéantirait les porcs. Non, il s'agit simplement d'un cocktail fictif, imaginé par les jeunes instigatrices de l'association Mad'EMoiselle (qui lutte contre le harcèlement dans l'espace public). Un nom de code à l'adresse de toutes celles qui, importunées par de gros relous potentiellement dangereux, souhaiteraient couper court à toute situation alarmante.
A Strasbourg, on cogite donc pour lutter contre le harcèlement, surtout quand il prend place dans des lieux aussi bondés que les bars. Commander un "Mademoiselle" au comptoir permet d'alerter le personnel sans pour autant éveiller les soupçons du harceleur. Les employé·es viennent dès lors à votre secours - en toute discrétion - et font en sorte d'éloigner l'individu toxique. Pour les clientes, le cocktail fictif devient dès lors un moyen comme un autre de se sentir en sécurité. Et autant vous dire que cette prévention est une nécessité.
Car le cocktail fictif est une initiative qui se propage dans bien des établissements. A l'instar du "faux appel" (mimer d'échanger au téléphone afin d'échapper à un harceleur ou agresseur) ou du "faux ami" (quand vous faites mine de reconnaître quelqu'un dans un transport pour les mêmes raisons), ce salutaire "Mademoiselle" constitue ce que l'on appelle une technique d'évitement. L'an dernier, l'équipe du bar rennais Le Meltdown a quant à lui introduit L'oeil d'Horus, nom de boisson fictive à commander au barman en cas de situation abusive - rappelons que le dieu Horus protégeait les Égyptien·nes dans l'Antiquité. Une façon de marcher sur les pas de l'Angleterre, où de nombreux bars proposent le "Angel shot", recommandé pour toute situation similaire.
Bien sûr, il ne faut certainement pas se réjouir de la popularité de ces cocktails fictifs, qui démontrent que le harcèlement est bien trop banalisé au sein de l'espace public, et ses victimes toujours plus nombreuses. Les quatre créatrices de l'association étudiante Mad'EMoiselle (à l'iniative du fameux "Madmoiselle" donc) ont d'ailleurs pour habitude de sensibiliser leur audience aux violences sexistes et sexuelles. L'intronisation de ce "cocktail SOS" dans certains bars de nuit de Strasbourg (ceux dont les devantures et murs des toilettes affichent des stickers et des prospectus "Mademoiselle") poursuit ouvertement cette volonté d'éveil des consciences.
"On a tout intérêt à éviter que le pire se produise. C'est intolérable qu'une femme se fasse embêter en soirée. Même si on n'est pas directement concerné, le risque zéro n'existe pas. On a tout intérêt à éviter que le pire se produise", explique dans les pages de 20 Minutes le gérant du Barberousse, un établissement strasbourgeois qui a illico adopté le fameux nom de code. En espérant que bien des barmen partagent les mêmes préoccupations, et que cette "Mademoiselle" d'utilité publique investisse encore plus de lieux...