Les propos de l'ancienne militante frontiste Anne-Sophie Leclere, la remarque de Marine Le Pen sur la barbe et l'habillement « étonnant » des ex-otages d'Arlit, Christiane Taubira traitée de « guenon » par une fille de 12 ans dans une manifestation anti-mariage gay... Pour le journaliste Harry Roselmack, ces faits sont autant de signes annonciateurs d'un changement de mentalité au sein de la société française, ou qui du moins sont révélateurs d'une certaine décomplexion à assumer des propos qui flirtent avec le racisme ou la xénophobie. C'est pour dénoncer ce climat délétère, propice aux dérapages et à la haine des autres, qu'Harry Roselmack a signé mardi 5 novembre dans Le Monde une tribune intitulée « La France raciste est de retour ».
Longuement, il y revient sur les tensions qui minent aujourd'hui la société française et s'attaquent aux fondements de notre République, notamment celui qui a contribué à créer un « sentiment d'appartenance et d'attachement national chez les gens de classes sociales différentes, de cultures différentes, de couleurs différentes ». Et s'il dit ne pas se voir comme « Noir », ou en tout cas « ne pas se qualifier comme tel », Harry Roselmack admet aujourd'hui être de plus en plus souvent « ramené à [sa] condition de nègre » par une « minorité grandissante qui se présente comme gardienne ou salvatrice de cette République française […] Me voilà ramené à ma condition nègre. Me voilà attablé avec d'autres Noirs parce qu'ils sont noirs. Et me voilà en train de m'offusquer d'une idiotie qui ne m'atteignait guère : le racisme. Parce que l'expression de ce racisme, dans la bouche d'une candidate Front national aux municipales (exclue depuis), était primaire, parce qu'elle recourait à une iconographie profondément choquante qui niait au nègre le statut d'être humain, elle m'a amené à m'interroger, en tant que Noir d'abord, en tant que citoyen, fils, père et mari ensuite », écrit Harry Roselmack.
Et Harry Roselmack de pointer particulièrement du doigt la responsabilité du FN dans la déliquescence du climat sociétal français. D'ailleurs, pour le présentateur de TF1, le cas de la militante FN Anne-Sophie Leclere, depuis exclue du parti après avoir soutenu des propos racistes à l'encontre de Christiane Taubira, est emblématique de l'opinion des militants et sympathisants frontistes : « En vérité, le "dérapage" d'Anne-Sophie Leclere n'est pas pour me déplaire, souligne Harry Roselmack. Parce qu'il n'est pas qu'un dérapage, il est l'expression, peu reluisante, d'une vision du monde partagée au sein du Front national. S'il est faux de dire que tous les électeurs et militants du FN sont racistes, il était tout aussi faux de dire qu'il n'y a pas de racisme dans ce parti. La xénophobie, le racisme en constituent même le ciment essentiel. Et il n'est pas inutile que son vernis républicain, grossier maquillage dont Marine Le Pen le badigeonne consciencieusement, s'écaille de temps en temps. » Et de conclure sa tribune : « Tant que l'on laissera ces peaux de Banania traîner dans nos cerveaux, des glissades et dérapages vers l'injure raciste sont à craindre. Surtout par les temps qui courent, avec cette crise qui alimente la xénophobie de son bien étrange carburant : la jalousie envers plus mal loti que soi. »
Si Harry Roselmack, invité mardi 5 novembre au Grand Journal, a affirmé qu'il n'avait « pas vocation à être un militant antiraciste », expliquant simplement prendre la défense des valeurs essentielles sur laquelle repose la République française, le journaliste est rejoint par la garde des Sceaux, Christiane Taubira. Victime ces dernières semaines de plusieurs dérapages racistes, la ministre de la Justice a accordé ce mercredi 6 novembre un entretien exclusif à Libération, au cours duquel elle note que « des choses sont en train de se délabrer dans notre société. Ces attaques racistes sont une attaque au cœur de la République. C'est la cohésion sociale est mise à bas, l'histoire d'une nation qui est mise en cause. » Comme Harry Roselmack qui notait hier au Grand Journal que « le FN est l'illustration d'un climat qui est en train de s'installer, qui est alimenté par la crise, par le mécontentement des gens », Christiane Taubira s'inquiète des dérives de notre société dans laquelle « périodiquement, et encore sous le dernier quinquennat, on a construit un ennemi intérieur ». Et de souligner : « Ce qui m'étonne le plus c'est qu'il n'y a pas eu de belle et haute voix qui se soit levée pour alerter sur la dérive de la société française.»
Voir le passage d'Harry Roselmack au Grand Journal de Canal Plus :
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