L'enfer est pavé de bonne intentions. "Pour qu'une femme aime les hommes, rien ne vaut un viol collectif" ou "L'époque où l'on torturait les homosexuels n'est pas si lointaine. Elle est à trois heures d'avion". Ces deux slogans chocs voués à lutter contre l'homophobie ne passent pas. Ils sont pourtant issus de la campagne Triangle Rose anti-homophobie lancé par le journal autrichien Vangardist.
Ces phrases sont placardées depuis mercredi 15 août dans les grandes villes de France, sur 1000 panneaux de Decaux mais également sur 300 écrans digitaux du métro parisien. Elles y resteront pendant une semaine. Ces publicités visent à signaler l'existence d'une pétition mondiale qui demande à l'ONU d'inscrire les droits des personnes LGBT+ à la Déclaration universelle des droits humains.
Cette campagne réalisée par les agences de communication ServicePlan et Mediaplus a complètement raté sa cible et provoque la colère des militant·e·s.
Dans une série de messages sur son compte Twitter, la Conférence européenne lesbienne s'interroge sur ces slogans : "Si les campagnes contre la lesbophobie sont les bienvenues, celle qui a lieu actuellement à Paris et dans plusieurs villes françaises soulève plusieurs questions et nous les posons maintenant à ses promoteurs. Avez-vous consulté une ONG française ou européenne de lesbiennes pour savoir ce qu'elles pensaient de la stratégie consistant à utiliser un message lesbophobe pour dénoncer la lesbophobie ?"
La Conférence européenne poursuit : "Savez-vous que depuis plusieurs années en France, @LaManifPourTous recouvre les murs publics de vrais messages lesbophobes et homophobes, ce qui semble être un élément contextuel important à prendre en compte ?"
Avant de conclure sur une interrogation plus large : "Pourquoi faire référence à la Jamaïque lors d'une campagne dans un pays européen où tant de violences contre les lesbiennes se produisent en France et en Europe ?"
En effet, en sous-titre de l'une des affiches, l'agence de communication créatrice de la campagne ajoute : "En Jamaïque on viole les femmes pour les guérir d'être lesbiennes". Sauf que la France est un pays où l'homophobie est forte ce qui aurait pu être rappelé pour alerter sur la situation au niveau locale.
Julian Whiel, le rédacteur en chef du Vangardist déclare dans le communiqué diffusé lors du lancement : "Nous savons que les affiches que nous diffusons en France portent des accroches dérangeantes qui ne sont ni faciles à lire, ni faciles à admettre."
Le rédacteur en chef du Vangardist poursuit : "Malheureusement, elles relatent une réalité dont souffrent les communautés LGBTQI qui sont encore aujourd'hui victimes d'histoires sordides auxquelles les médias laissent peu de place, les considérant comme des faits divers."
De son côté, l'agence ServicePlan a répondu à France Info et tente de se justifier : "Si on est trop convenu, on n'arrive pas à provoquer la mobilisation escomptée, et si on est trop choquants, on peut avoir les effets inverses de ce qu'on visait au départ..."
Alice Coffin, cofondatrice du groupe féministe La Barbe etde l'association françaises des journalistes LGBT et coprésidente de la Conférence européenne lesbienne expose au Parisien les raisons pour lesquelles cette campagne lui paraît inacceptable : "C'est violent pour les lesbiennes qui lisent ça dans la rue. Ça n'a pas du tout été mesuré."
Elle ajoute :"C'est également violent pour les femmes victimes de viols et ça implique à tort également que les lesbiennes n'aiment pas les hommes."
Si cette campagne est ratée du point de vue des militant·e·s, Alice Coffin encourage tous les efforts pour faire reculer l'homophobie, dans le monde, mais également en France.