Rien n'arrête Cyril Hanouna , pas même les sanctions que le CSA vient de prendre à son encontre. Et c'est bien le problème : dopé par ses 1,3 millions de téléspectateurs quotidiens, le roi du mauvais goût du PAF poursuit ses frasques entre deux ricanements. A coups de vannes boiteuses et de sketchs dégradants, l'animateur qui fascine et exaspère la France entière traîne ses animateurs dans la boue.
Et pour humilier Matthieu Delormeau, son souffre-douleur attitré, il déploie des trésors d'ingéniosité : il lui met des nouilles dans le caleçon, le fait pleurer en direct après lui avoir fait croire pendant 24h qu'il allait être accusé de meurtre, ou l'insulte copieusement à l'antenne, en le traitant de "pleureuse" et de "bouffon"... Dans son article pour Slate, Claude Askolovitch va même jusqu'à parler de "pure relation de perversion narcissique [...] d'une victime incapable de révolte, Delormeau, par un maître pervers, Hanouna".
D'après un sondage de Télé Star, 77% des Français trouvent Cyril Hanouna "humiliant". En effet, les coups d'éclat d'Hanouna n'en sont plus : à force de courir après les séquences choc, grisé par son audimat, l'animateur a fait de son émission une gigantesque cour de récré où tous les coups –même les plus cruels- sont permis.
Hanouna ou la normalisation de l'humiliation "pour rire"
Et c'est ce que dénonce Grég Allaeys, un acteur engagé dans la prévention du harcèlement scolaire. Dans une lettre ouverte à Hanouna devenue virale, le comédien dénonce avec verve les conséquences désastreuses de TPMP sur les plus jeunes – qui représentent la majeure partie du public de Cyril Hanouna.
Alors que ces derniers forgent leur notion de ce qui est socialement permis en s'appuyant sur ce qu'ils voient autour d'eux, et notamment à la télévision, l'émission de "Baba" (le petit surnom d'Hanouna) a un impact catastrophique sur leur vision du harcèlement scolaire. Pour lui, le comportement de l'animateur de D8, qui humilie sans vergogne ses collègues pour rire et faire rire, contribue à la normalisation du harcèlement sur les bancs d'école.
"Nous sommes usés et fatigués de constater que tout le travail de fond que nous faisons est sapé par un individu qui n'a peut-être pas conscience que ce qu'il fait en direct dans son studio parisien a des conséquences directes dans les cours de récré et sur les vies des enfants. Parce que les 'harceleurs' en culotte courte nous font les mêmes réponses que toi, adulte mature : 'C'est pour rire.' La même réponse que ceux qui ont poussé cette gamine au suicide ou cet autre enfant à s'immoler par le feu", enrage Allaeys. Il attaque "cette violence verbale ou physique qui, au mieux, peut foutre en l'air une scolarité et, au pire, pousser un scolaire à se foutre en l'air" qu'Hanouna déverse sans réfléchir sur son influençable public de collégiens.
Sachant que 700 600 élèves sont victimes de harcèlement de l'école au lycée, selon les chiffres du gouvernement, et que le phénomène a tendance à prendre de l'ampleur, on ne peut que saluer l'initiative d'Allaeys, qui tente de remettre la décence et le respect de l'autre au coeur de notre culture audiovisuelle en berne.