Neuf pour cent. C'est l'écart moyen salarial en France entre les hommes et les femmes, à compétence égale et poste égal. Des chiffres stables depuis 2000, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Or, la loi du 22 décembre 1972 inscrite dans le Code du travail spécifie clairement que "tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes".
Pourtant, les inégalités persistent toujours 46 ans plus tard. Pour y remédier, le gouvernement a annoncé la mise en place d'un décret qui entrera en vigueur ce vendredi 1er mars dans les entreprises de plus de 1000 salarié·es, puis en septembre dans celles de plus de 250 salarié.es et en mars 2020 pour celles de plus de 50 salarié·es.
Les entreprises, qui devront obligatoirement publier sur leur site internet la note globale de l'Index de l'égalité femmes-hommes chaque 1er mars de l'année, seront évaluées via un système de points reposant sur cinq critères :
-La suppression des écarts de salaire entre les femmes et les hommes
- L'égalité des chances de recevoir une augmentation pour les femmes que pour les hommes
- La même opportunité d'obtenir une promotion pour les femmes que pour les hommes
- L'augmentation des salariées à leur retour de congé maternité, dès lors que des augmentations ont été données en leur absence
- La présence d'au moins quatre femmes ou hommes dans les 10 plus hautes rémunérations
Les entreprises dont le score est inférieur à 75 points disposeront d'un délai de 3 ans pour se mettre en conformité.
L' Index se calcule grâce à un tableur en ligne. Des référent·es régionaux·nales seront également dépêché·es pour aider les entreprises à mettre les mesures nécessaires en place pour pallier les inégalités salariales.
On a demandé à l'avocate et bâtonnière de Paris Marie-Aimée Peyron de décortiquer ce nouvel Index.
Marie-Aimée Peyron : En tant que femme, je déplore que l'on ait besoin de mettre en place des moyens de coercition et de sanction pour faire respecter la loi. C'est regrettable, mais nécessaire, étant donné que l'égalité salariale ne fait pas partie de la culture de toutes les entreprises.
Je pense que les grandes entreprises sont déjà sensibilisées à ce problème et que ce décret va donc constituer un élément moteur supplémentaire pour la parité.
M.P : Il risque probablement d'y avoir un choc des cultures ! Mais c'est dans le sens de l'histoire. Il nous appartient aussi de promouvoir les femmes. En tant que 220e bâtonnier de Paris et 3e femme à détenir ce titre, je ne cesse de dire aux femmes avocates : 'Osez ! Vous avez les mêmes qualités, les mêmes compétences'.
Les hommes trouvent souvent normal d'obtenir une promotion, tandis que les femmes vont davantage se demander si elles en sont capables. Il ne faut pas hésiter à revendiquer les mêmes droits que les hommes en matière de rémunération, de promotion etc.
Je suis toutefois optimiste : depuis #MeToo, je pense qu'il y a un vrai mouvement en faveur de l'égalité femmes-hommes en France.
M.P : L'avantage, c'est que nous sommes sur des critères objectifs. On ne peut donc pas mentir, puisque toutes les données exigées par l'Index sont vérifiables. Je pense aussi que l'accompagnement des référent·es régionaux·ales pourra aider les entreprises à "jouer le jeu".
Celles qui ne le respecteront pas la loi et ne comptabiliseront pas assez de points seront sanctionnées par une amende, qui n'est pas neutre, puisqu'elle peut aller jusqu'à 1% de la masse salariale.
Après, c'est vrai que certaines entreprises ont les moyens de payer les amendes et malheureusement elles le feront certainement, plutôt que de suivre la loi.
M.P : Oui, car l'important est que le mouvement soit mis en place et que la démarche soit enclenchée. Je suis persuadée qu'il faut d'abord aller dans la pédagogie et l'accompagnement, afin de sensibiliser les entreprises à la mise en place de ces nouvelles dispositions, puis de les inciter à passer à l'acte.
M.P : L'augmentation des femmes qui reviennent de congé maternité, lorsque l'entreprise en a accordé aux autres salarié·es, est une nouveauté. Plus précisément, c'est une modification de l'article L1225-26 du Code du travail.
Le fait de vérifier qu'au moins 4 femmes font partie des 10 plus gros salaires de l'entreprise sera également nouveau. Avant, on se contentait surtout de chartes de bonnes pratiques et de déclarations d'intention. Mais on s'est aperçu que ce n'était pas très efficace. Aujourd'hui, on passe d'une obligation de moyens à une obligation de résultats.
M.P : On a beaucoup parlé de l'Index au moment où il a été adopté. Maintenant qu'il va être mis en place, il va falloir démontrer qu'il est appliqué correctement. Il va y avoir une étude sur l'année 2019 et à ce moment-là, on aura plus de recul sur le fonctionnement du dispositif.
D'une manière plus globale, il faut que tout le système évolue pour prétendre à l'égalité salariale : qu'on incite davantage les pères à prendre des congés paternité, qu'on fasse sauter le plafond de verre, qu'on accorde plus de souplesse aux femmes et de flexibilité dans les horaires de travail etc.
Ce sont des réactions, des attitudes et des mentalités qu'il faut changer. Mais comme je vous le disais, je reste assez optimiste pour l'avenir...