C'est une réalité choquante que nous relate ce reportage de l'AFP. En Indonésie, et plus précisément dans la province d'Aceh (au nord de l'île de Sumatra), les femmes sont régulièrement violentées... par d'autres femmes. A genoux et le visage couvert, elles sont frappées à grands coups de canne en rotin lorsqu'elles sont accusées d'avoir commis un "crime moral". Comprendre, une attitude qui irait à l'encontre de la loi islamique. Et ces châtiments "pro-charia" sont donc exécutés - en public - par une brigade de femmes masquées. Une certaine idée de l'horreur.
Horrible, oui, mais normalisé. A Aceh, poursuit l'AFP, elles sont de plus en plus nombreuses, ces femmes à être flagellées pour "crime moral", qu'il s'agisse des relations sexuelles avant le mariage, de l'adultère ou même "des signes d'affection en public". Et le fouet, depuis toujours, est une arme banalisée. Mais cela ne fait que depuis peu qu'il est brandi par des "exécutrices" formées pour ce faire, et non par des hommes - les habituels tortionnaires. La main patriarcale, aujourd'hui, a un autre visage.
"Nous ne visons pas à blesser ces personnes en les fouettant. La chose qui importe le plus est de leur faire ressentir un sentiment de honte afin qu'elles ne recommencent pas", déclare au média international Safriadi, l'un des hommes à la tête de l'une de ces unités féminines. On croit rêver. Il s'agit donc d'une barbarie "exemplaire" - c'est-à-dire qui doit faire office d'exemple face aux foules alentours. Et ce sont ces mêmes coups de fouets qui s'abattent systématiquement sur les citoyens soupçonnés d'être homosexuels. Parfois à raison de 150 flagellations, conduisant à un évanouissement ou une hospitalisation. Mais comment expliquer que ces actes de violence soient désormais commis par des femmes ?
Une interrogation difficile à éclaircir. Toujours est-il, détaille l'AFP, que tous ces gestes leur sont enseignés par des hommes, vêtus de masques et d'uniformes. Des hommes qui, après les avoir flagellées (pour leur "donner l'exemple"), ont appris à ces nouvelles officières de la charia les rudiments de la torture.
L'un de ces autoproclamés policiers de la charia (qui agissent en équipes et en brigade toute la journée), un dénommé Zakwan, explique leur apprendre depuis des années "à faire des coups de fouet corrects" et à adopter de "bonnes techniques". Un entraînement physique qui prend donc la forme d'un passage de relais. Et à en croire Saiful Tengkuh, simple citoyen, ce n'est pas assez. Il faudrait encore leur apprendre et mettre en oeuvre au sein de la province "des sanctions plus sévères", comme la lapidation, détaille-t-il à l'AFP.
Des propos qui, l'on s'en doute, suscitent l'indignation à l'international. L'organisation non gouvernementale Human Rights Watch, qui lutte pour le respect des droits de l'homme, mais aussi Amnesty International, n'ont pas manqué d'alerter l'opinion publique quant à la teneur barbare de ces actes. Une répression qu'ils jugent totalement "inhumaine", comme l'indique l'édition indonésienne du International Business Times. Tel que l'indique encore le site AfrikMag, cela fait des mois et des mois que le président indonésien Joko Widodo exige que la flagellation soit abolie d'Aceh. Et pourtant, de plus en plus de femmes sont violentées aux yeux de toutes et tous, tous les jours.
Pire encore, comme le relevait Paris Match l'an dernier, ces châtiments bénéficient d'une large popularité auprès de la population locale - près de 5 millions d'habitants. L'adjoint au maire de Banda Aceh, Zainal Arifin, dit même de cette "loi morale" qu'elle est en vérité "très tolérante et humaine" - quand bien même elle implique des dizaines de coups de canne ou de fouet, des humiliations et des tortures diverses. A Aceh, la police de la charia désire d'ailleurs la systématiser au sein des établissements pénitenciers. En attendant de nouvelles recrues féminines ?