"Tout a commencé avec de l'argent, comme c'est si souvent le cas à New York." Ainsi débute l'article fleuve de la journaliste Jessica Pressler, publié dans le New York Magazine en 2018. L'histoire fascinante d'une jeune femme, Anna Delvey née Sorokin, qui réussit à manipuler et arnaquer le gratin new-yorkais, des banques, des magasins de luxe et des hôtels de 2013 à 2017. Cette épopée rocambolesque n'a pas manqué d'attirer l'attention de la papesse de la télé, Shonda Rhimes (Grey's Anatomy, Scandal) qui y a décelé un riche filon sériel. Ainsi est née Inventing Anna, disponible sur Netflix depuis le 11 février. Alors, on se lance sur la piste de l'énigmatique bluffeuse ?
Inventing Anna débute par la fin : Anna Delvey (Julia Garner) a été arrêtée pour escroquerie et ronge son frein dans la prison de Rikers Island. La journaliste Vivian Kent (Anna Chlumsky), fermement décidée à redorer son blason après une faute professionnelle, a du flair. Et elle a compris qu'elle tenait une histoire en or. A force de ténacité, elle va convaincre la jeune arnaqueuse narcissique de raconter sa version des faits- façon Hannibal Lecter-, mais aussi ses (ex)-ami·es et victimes. Parce qu'elle peut offrir à Anna son rêve ultime : devenir célèbre.
Chaque épisode repose sur des allers-retours chronologiques afin de reconstituer le puzzle. Comment cette millenial somme toute ordinaire a-t-elle réussi à se faire passer pour une richissime héritière russe ? Comment est-elle parvenue à tisser sa toile, à infiltrer la jet-set et à soutirer des centaines de milliers de dollars aux personnages les plus influents de l'élite de New York dans l'espoir de créer sa "Anna Delvey Foundation" ?
Comme d'habitude chez Shonda Rhimes, les dialogues fusent, les images clipesques et les split screens s'enchaînent. Le tout en un tourbillon étourdissant et d'une efficacité redoutable. Des gros biftons négligemment posés sur le comptoir d'un grand hôtel pour amadouer une concierge aux magouilles DIY pour faire avancer son business, Inventing Anna tente de remonter le fil de cette gigantesque fraude. Un plan insensé qui a pu fonctionner grâce aux ressorts viciés d'une société tenue par le culte de l'apparence et du fric.
Mais au terme de ces neuf (longs) épisodes, l'énigme demeure malheureusement entière. Car la mini-série reste aussi lisse, surjouée et superficielle que le monde qu'elle tend à vouloir dépeindre- au risque de le caricaturer. Et ni les motivations profondes, ni la vraie personnalité de l'usurpatrice caméléon- condamnée en 2019, Anna Delvey encourait 4 à 12 ans de prison, a été libérée en février 2021 pour bonne conduite avant de repartir derrière les barreaux pour expiration de visa- n'émergeront vraiment. Reste la bonne idée de dévoiler les dessous (évidemment surdramatisés) de l'enquête de Vivian Kent/Jessica Pressler, véritable héroïne de ce soap à tiroirs brouillon mais au fort potentiel addictif.
Inventing Anna
Avec Julia Garner, Anna Chlumsky...
Disponible sur Netflix