À l'appel de l'association Osez le féminisme et de La Barbe, elles étaient des centaines hier soir à s'être rassemblées devant la Cinémathèque française, non loin de Bercy, pour protester contre la rétrospective que l'institut a décidé de consacrer au réalisateur controversé Roman Polanski.
Massées devant les portes de la Cinémathèque, les militant.e.s féministes ont scandé de longues minutes des slogans virulents pour faire comprendre que mettre à l'honneur un cinéaste accusé à plusieurs reprises de viols n'est peut-être pas du meilleur effet, eût égard au combat que mènent depuis des années les associations contre les violences faites aux femmes.
Car ce n'est pas la première fois que Roman Polanski, malgré les accusations qui pèsent sur lui, est une nouvelle fois mis à l'honneur par le cinéma français. Pour rappel, le cinéaste est poursuivi depuis 1977 aux États-Unis pour viol sous l'emprise d'alcool et de drogue sur Samantha Geimer, alors âgée de 13 ans. Condamné par la justice californienne après avoir plaidé coupable, il a fui l'année suivante vers la France pour échapper à sa peine. Il est resté en tout et pour tout 47 jours derrière les barreaux. Depuis, quatre autres femmes ont affirmé avoir été sexuellement abusées par le réalisateur alors qu'elles étaient encore mineures. Les dernières accusations remontent aux 3 et 20 octobre dernier, en pleine prise de conscience de l'ampleur des violences sexuelles subies quotidiennement pas les femmes.
Face à ces multiples accusations, graves et accablantes, difficile de se retrancher derrière le fallacieux prétexte selon lequel il faut "dissocier l'homme de l'artiste". Si l'on pousse jusqu'au bout cette logique, la polémique autour de la Une des Inrocks consacrée à Bertrand Cantat et même l'omerta dont a bénéficié pendant des années le producteur Harvey Weinstein sont tout à fait justifiées. "La question de la culpabilité et de la condamnation [de Roman Polanski] ne se poserait pas s'il s'agissait d'un ouvrier", expliquait ainsi hier à Télérama Marion George, l'une des porte-paroles d'Osez le féminisme.
Comme lors des différents rassemblements #MeToo organisés un peu partout en France ce dimanche 29 octobre pour en finir avec les violences sexistes et sexuelles, a retenti dans la foule amassée une chanson. Et pas n'importe laquelle : l'Hymne des femmes, chanson officielle des mouvements féministes des années 70 qui, malgré leurs divergences, se rassemblaient alors pour entonner cette incitation à la libération et à la sororité.
"Le temps de la colère, les femmes
Notre temps, est arrivé
Connaissons notre force, les femmes
Découvrons-nous des milliers !
Levons-nous femmes esclaves
Et brisons nos entraves
Debout, debout, debout !
Reconnaissons-nous, les femmes
Parlons-nous, regardons-nous,
Ensemble, on nous opprime, les femmes
Ensemble, Révoltons-nous !",
disent notamment les paroles de l'Hymne des femmes, créées collectivement par les grandes féministes d'alors, parmi lesquelles comptaient Monique Wittig, Hélène Rouch, Cathy Bernheim, Antoinette Fouque, Josiane Chanel ou encore Josée Contreras. "C'était l'âge d'or du mouvement, analyse pour Rue89 François Picq, militante historique du MLF. On avait ce sentiment de se retrouver, de se comprendre, de retrouver soi-même dans les autres. De penser que tout ce qui nous avait fait souffrir allait nous permettre de nous libérer."
Entonné pour la première fois le 28 mars 1971 à l'occasion d'une réunion informelle du MLF, l'Hymne des femmes devient progressivement le chant officiel du mouvement féministe, avant la dilution progressive du mouvement due aux dissensions internes, le chant reste, encore aujourd'hui, l'un des hymnes entonnés dans les manifestations féministes, notamment lors de celles organisées le 8 mars.
Parce que l'on a plus que besoin aujourd'hui d'un sursaut populaire pour qu'enfin les discriminations, les violences et l'oppression que les femmes subissent chaque jour sautent aux yeux de tous et toutes, et parce que se serrer les coudes est indispensable, on se joint à l'appel de Renée Greusard pour faire de l'Hymne des femmes le nouveau tube des manifs féministes, voire le futur tube de 2018 (on peut toujours l'espérer).
Allez hop, ensemble, révoltons-nous !