"J'en ai fini de vivre dans la peur des représailles, de la calomnie ou du chantage". Evan Rachel Wood brise le silence. L'actrice de la série Westworld a finalement décidé de nommer publiquement son bourreau, après des années à le taire : "Le nom de mon agresseur est Brian Warner, également connu dans le monde sous le nom de Marilyn Manson", écrit-elle ce lundi 1er février sur son compte Instagram. Un nom qui sort aujourd'hui de l'ombre alors que le rockeur et acteur américain de 52 ans évolue en pleine lumière. Et en toute impunité.
Evan Rachel Wood poursuit : " Il a commencé par gagner ma confiance quand j'étais adolescente et m'a horriblement maltraitée pendant des années. J'ai été soumise à un lavage de cerveau et manipulée pour me soumettre."
La comédienne de 33 ans conclut ce post saisissant : "Je suis ici pour dénoncer cet homme dangereux et alerter les nombreuses industries qui lui ont permis d'exister, avant qu'il ne ruine plus de vies. Je suis aux côtés des nombreuses victimes qui ne resteront plus silencieuses."
Evan Rachel Wood et Marilyn Manson s'étaient rencontrés en 2007 alors qu'elle avait 18 ans et lui 36. Le couple s'était fiancé en 2010 avant de rompre sept mois plus tard.
Evan Rachel Wood avait témoigné par le passé des violences sexuelles dont elle aurait été victime. Sans toutefois nommer ses agresseurs. Tout d'abord lors d'une interview au magazine Rolling Stone en 2016. "J'ai été violée par une personnalité lorsque nous étions ensemble. Et une deuxième fois par le propriétaire d'un bar. Je ne pense pas que nous vivons à une époque où les gens peuvent se taire encore plus longtemps. Ce n'est pas possible dans un monde où le sexisme et la bigoterie sont flagrants".
Puis dans une vidéo YouTube publiée en octobre 2017 (et supprimée depuis). "Les gens se demandent pourquoi les femmes ne parlent pas plus tôt ou bien pourquoi elles le font en masse, d'un coup. C'est parce que c'est plus sûr. Elles ne se sentent pas assez en sécurité (pour le faire plus tôt ou seule). Et je le comprends très bien, car moi-même je n'ai pas nommé ceux qui ont abusé de moi", expliquait-elle alors, disséquant avec acuité les mécanismes d'intimidation, de terreur et de honte si familiers à tant de victimes.
"Si vous voulez savoir qui sont mes agresseurs, il s'agit d'hommes blancs très puissants, très riches, très bien installés et très narcissiques. Si je ne les ai pas nommés, c'est parce que 1/je suis seule contre des personnes très puissantes, 2/le manque d'argent, de temps et aussi ce traumatisme à revivre lorsqu'on poursuit la personne qui vous a agressée. C'est terrifiant de devoir traverser cela, en premier parce qu'il y a le risque de ne pas être crue. Il y a aussi le risque de se retrouver sur la paille financièrement car déposer plainte contre ces personnes et aller jusqu'au procès coûte cher, en particulier si la seule chose que vous avez est votre parole contre la leur, en particulier quand ils sont puissants. Encore une fois, vous vous retrouvez à la merci de vos agresseurs et vous devenez une cible. Peut-être que cette peur n'est pas rationnelle mais elle est là."
En 2018 et 2019, l'actrice engagée avait donné de la voix devant la Commission des affaires judiciaires du Congrès américain afin d'appeler à protéger les droits des survivantes d'agressions sexuelles dans les 50 États. "Mon expérience de la violence domestique était la suivante : des violences mentales, physiques et sexuelles toxiques qui ont commencé lentement mais se sont intensifiées avec le temps, y compris des menaces contre ma vie, du gaslighting sévère et un lavage de cerveau, me réveillant aux côtés de l'homme qui prétendait m'aimer en train de violer ce qu'il croyait être mon corps inconscient."
Là encore, si Evan Rachel Wood décryptait en détail le cauchemar des viols et violences conjugales dont elle avait été victime, elle n'avait pas donné le nom de son agresseur.
C'est aujourd'hui chose faite. Le bourreau a un nom, un visage. Et a fait possiblement d'autres victimes. Car à la suite du témoignage courageux de Evan Rachel Wood, au moins quatre autres victimes présumées de Marilyn Manson lui ont emboîté le pas et ont choisi de briser à leur tour l'omerta, comme le souligne Vanity Fair. Ashley Walters (qui a depuis supprimé son post sur Instagram), Sarah McNeilly, Ashley Lindsay Morgan, Gabriella. Toutes racontent le stress post-traumatique découlant de leur expérience de survivantes de violences domestiques et réclament justice pour "les actions horribles" de la rockstar.
Le cheminement de Evan Rachel Wood rappelle l'extrême difficulté pour les victimes de libérer la parole autour des agressions sexuelles. Peur des représailles, peur de ne pas être crues, peur de l'accueil que leurs récits pourraient recevoir. Si #MeToo a marqué un tournant dans le déverrouillage de ces témoignages si fragiles, des démarches puissantes comme celle de l'actrice contribuent à faire tomber les barrières, poser des mots sur le traumatisme, déculpabiliser et donner de la force pour dénoncer l'attaquant. Un bourreau qui, dans deux cas sur trois, est un proche (conjoint ou ancien conjoint ou concubin pour 30 % des victimes).
Selon The Hollywood Reporter, en mai 2018, alors que le raz-de-marée #MeToo venait de déferler sur l'industrie hollywoodienne, un rapport de police avait été déposé contre Manson citant des crimes sexuels qui auraient eu lieu en 2011. Quelques mois plus tard, en août, le bureau du procureur du district de Los Angeles avait annoncé qu'il refusait de poursuivre cette affaire en raison d'un manque de preuves. Les témoignages d'Evan Rachel Wood et des autres victimes présumées de "MM" changeront-elles la donne ?
- Si vous êtes victime ou témoin de violences conjugales, appelez le 3919. Ce numéro d'écoute national est destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Cet appel est anonyme et gratuit 7 jours sur 7, de 9h à 22h du lundi au vendredi et de 9h à 18h les samedi, dimanche et jours fériés.
- En cas de danger immédiat, appelez la police, la gendarmerie ou les pompiers en composant le 17 ou le 18.