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Mutilations sexuelles : un rite de passage commun à toutes les cultures ?
Publié le 12 septembre 2013 à 15:33
Par Sophie Bramly
Cette semaine, notre experte sexo Sophie Bramly se penche sur la question des mutilations génitales. Circoncision, excision… le point sur des rites de passage qui transcendent les âges et les cultures.
Mutilations sexuelles : un rite de passage commun à toutes les cultures ? Mutilations sexuelles : un rite de passage commun à toutes les cultures ?© Ingram Publishing
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On regarde toujours avec étonnement les rites curieux des cultures qui ne sont pas les nôtres, et peut-être même les trouve-t-on barbares quelquefois. C'est certainement le cas avec les mutilations sexuelles, souvent sévèrement jugées. Pourtant, sous une forme ou une autre, elles sont dans toutes les cultures et toutes les religions, comme de nécessaires rites de passage.

Prenons les cas les plus courants dans nos sociétés, ceux de la circoncision et de l'excision, qui sous différentes formes appartiennent aux trois religions monothéistes que sont le christianisme, le judaïsme et l'islam.

Chez les juifs, la circoncision vient d'Abraham, qui, 2000 ans avant Jésus-Christ, répondait à une demande de sacrifice de Yahvé (Dieu). À 99 ans, le vieil homme se circoncit avec un silex et fit de même à tous ses fils. Depuis le IIe siècle, les mâles sont circoncis huit jours après leur naissance, le 8 symbolisant la naissance sociale, l'autonomie. Une découverte récente indique que jusqu'au septième jour, le nouveau-né n'a pas assez de vitamine K pour supporter sans conséquences l'ablation de son prépuce, mais au 8e jour, la cicatrisation peut se faire sans risques.

Chez les chrétiens, la circoncision est symbolique, calée sur le même calendrier que celui des juifs, le baptême, qui a aussi lieu le huitième jour. De même, Noël correspond à la naissance de Jésus, et le jour de l'an tombe huit jours plus tard, c'est « l'autonomie » de Jésus qui marque symboliquement le commencement de chaque nouvelle année.

Si la circoncision n'est pas évoquée dans le Coran, elle l'est dans certaines versions du Hadith (principes de gouvernance dictés par Mahomet) et la pratique par certaines tribus arabes était antérieure à la naissance du prophète. Elle a lieu en principe pendant l'adolescence et marque l'appartenance à la tribu et non la séparation.

Un tiers des hommes vivant actuellement sur notre planète sont circoncis, et les anthropologues ont trouvé ce rite dans de nombreuses cultures lointaines. Elle correspond, comme son corolaire l'excision, à une amélioration de l'œuvre de Dieu : il aurait laissé chez l'homme une part de féminin : le prépuce, et chez la femme une part de masculin : le clitoris (qui jusqu'au XVIIIe siècle était d'ailleurs souvent nommé « le pénis de la femme »). Si l'excision physique ne se trouve guère en Occident, elle est par contre tout à fait présente symboliquement. Le mot a longtemps disparu des dictionnaires ; puis, a réapparu avec des définitions qui divergent. Certains ne parlent que de la partie émergente, oubliant la dizaine de centimètres interne, d'autres parlent pudiquement « d'un petit organe charnu placé à l'entrée des parties génitales des femelles chez les animaux mammifères » !

De fait, les femmes elles-mêmes parlent peu de cet organe, et beaucoup n'ont jamais penché la tête entre leurs jambes pour voir poindre entre le mont de Vénus et le méat urinaire, le gland du clitoris caché sous son capuchon, au sommet des petites lèvres. C'est la raison pour laquelle les féministes en ont fait un cheval de bataille, l'émancipation n'est pas encore totale.

Aussi primitives soient-elles, les mutilations sexuelles correspondent toutes à des rites de passage : marquer le moment ou l'enfant se sépare de sa mère, celui où il quitte l'enfance et devient adulte, celui où il se distingue clairement de l'autre genre. Elles sont si nécessaires qu'aujourd'hui encore elles subsistent (piercing, scarification, rapports à risques...), et si l'adulte ne les impose plus, ce sont les adolescents qui se livrent d'eux-mêmes à des pratiques qui les aident à se sentir adultes, acceptés au sein de leur tribu. La psyché a besoin de cérémonial, coûte que coûte, même si cela semble parfois autodestructeur. C'est ce qu'on appelle un comportement ordalique : on tente la toute puissance et c'est le destin qui assure la survie.

Rêver à un monde sans mutilations sexuelles est un idéal qui ne peut s'envisager qu'à la condition de remplacer les anciens rituels par de nouveaux, qui ne mutilent pas mais aident chacun à trouver sa juste place.

Il reste encore à les inventer...

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