Il faut avoir le coeur solide aujourd'hui pour (re)voir Jane par Charlotte, documentaire bouleversant en forme de déclaration d'amour, d'une fille, Charlotte Gainsbourg, à sa mère, Jane Birkin. Témoignage d'affection, oui, mais aussi portrait de femme, qui loin des sempiternels clichés nostalgiques, éternellement sixties, dévoilait à l'inverse une artiste non pas muséifiée, mais qui se relatait toujours au présent. Vive, touchante.
Dans les pages du dernier "ELLE" dont elle fait la Une, l'espace d'une longue interview et d'un classieux shooting, Charlotte Gainsbourg est revenue sur ce poignant docu, nommé aux César l'année de sa sortie. A l'affiche de la comédie "Nous les Leroy" de Florent Bernard, l'actrice se remémore : "Je suis tellement heureuse d'avoir pu le tourner quand elle était vivante. Je craignais pour sa santé pendant le tournage, et le montage, au moment de la sortie également... Aujourd'hui, je ne sais pas si j'arriverai à le revoir".
On pense dès lors aux mots de Charlotte "herself", dans ce documentaire justement, des paroles si justes : "Pourquoi apprend-on à vivre sans sa maman ? Il me semble que c'est un but qu'on se donne, s'affranchir à tout prix. J'ai pas envie de m'affranchir, j'ai envie de me coller. J'ai peur du temps qui ne s'arrête pas, qui défile trop vite".
Sur le même ton, sensible et pudique, Charlotte Gainsbourg poursuit : "J'ai l'impression que je vis mieux ce chagrin qu'à la mort de mon père. Je n'avais que 19 ans à l'époque, je ne comprenais pas que les gens veuillent partager leur peine avec moi. Je ne voulais pas en parler, je voulais qu'on me laisse. Après le départ de ma mère, j'ai vraiment compris ce que signifiait d'être aimé par un pays tout entier".
"J'ai rencontré beaucoup de femmes qui m'ont dit ce qu'elle avait représenté pour elles. Son côté humaniste, les associations qu'elle a aidées. Son charme, sa voix... Pour moi, elle est un modèle. En sortant de l'église, je n'oublierai jamais la foule", relate encore la comédienne et chanteuse, avec la vulnérabilité qu'on lui connaît. En vérité, cette vulnérabilité est aussi une force.
"C'est compliqué pour moi d'analyser comment le temps opère. Ma mère, mon père, Kate et moi avons formé une famille. Et je suis la seule qui reste. C'est bizarre d'être orpheline", confesse encore l'artiste dans les pages de ELLE. Pour Charlotte Gainsbourg enfin, il est toujours compliqué de faire son deuil. L'artiste explique avoir présenté à New York à l'occasion d'une rétrospective le documentaire "Jane par Charlotte" justement mais sans avoir pu assister à la projection. "Impossible", dit-elle simplement. Inutile de détailler davantage.
Par-delà la sortie en salles de "Nous les Leroy" ce 10 avril, qui nous rappelle la force comique de la comédienne, on vous recommande vivement le rattrapage sur ARTE du mélancolique "Les passagers de la nuit", qui ravive, si besoin était, la propension naturelle de Charlotte Gainsbourg à nous émouvoir. A nous faire chialer, même, n'ayons pas peur de mots. C'est l'un de ses plus beaux rôles. On vous en parle longuement dans cette critique.