C'est LE succès de cette 95e cérémonie des Oscars : Everything Everywhere All at Once, histoire de multivers réalisée par Daniel Kwan et Daniel Scheinert (surnommés les Daniels) a remporté pas moins sept statuettes : meilleur film, meilleurs réalisation et scénario original, meilleure actrice pour Michelle Yeoh, meilleur second rôle masculin pour Ke Huy Quan, meilleur montage...
Sept statuettes, dont celle de la meilleure actrice dans un second rôle, en la personne de Jamie Lee Curtis. Une actrice iconique principalement connue depuis la fin des années 70 pour son rôle de Laurie Strode dans la saga Halloween (jusqu'aux récents reboot) mais qui a également marqué notre rétine avec ses partitions dans Un fauteuil pour deux, True Lies, Freaky Friday, A couteaux tirés... Et donc, la comédie folle des "Daniels", qui lui vaut ce premier Oscar.
Sur scène, acclamée, Jamie Lee Curtis a délivré un jubilatoire pied de nez à l'âgisme. L'âgisme, c'est cette stigmatisation que subissent les personnes et plus encore les femmes une fois atteint le cap de la cinquantaine. Comment cela se traduit ? Préjugés, moqueries, mépris... Et surtout, phénomène d'invibilisation. Cela s'observe dans l'industrie du spectacle, où de plus en plus de stars, comme Kate Winslet, fustigent cette réalité.
Statuette à la main, Jamie Lee Curtis, 64 ans, est donc venue tordre le bras à cette fichue malédiction de la femme invisible. Un énorme "J'existe" planté en pleine cérémonie, et illustré par un mouvement de victoire qui a engendré les clameurs de la foule. L'actrice a achevé son discours en larmes.
Cette victoire est d'autant plus réjouissante que l'actrice n'a jamais manqué de dénoncer ce dérivé du sexisme. En février dernier encore, elle se remémorait l'accueil désastreux engendré par une Une très solaire d'un numéro du magazine AARP en 2008, Une où elle posait topless, et qui lui avait valu quelques commentaires bien réacs. "Cet accueil fut une démonstration parfaite de la façon dont les gens réagissent très étrangement à propos des personnes âgées ayant une sexualité, quelle qu'elle soit", déplorait-elle alors.
Sacrer Jamie Lee Curtis, c'est couronner une femme libre, lumineuse et engagée. Contre les discriminations que subissent les femmes et les actrices une fois passé un certain âge, bien sûr, mais également contre la transphobie, transphobie que subit sa fille Ruby, qu'elle n'a de cesse de soutenir au gré de ses publications et interviews. L'an dernier, la "scream queen" n'hésitait pas à déplorer "les menaces qui pèsent sur les vies" des personnes trans, "juste parce qu'elles existent".
Après la cérémonie, Jamie Lee Curtis a d'ailleurs, l'espace d'une conférence de presse, appuyé son approbation à l'égard d'un principe qui se banalise de plus en plus au gré des grandes cérémonies : instituer des prix non genrés. Ce qui permettrait notamment d'honorer les artistes non-binaires. Ce pour quoi militait déjà une interprète comme Emma Corrin de la série The Crown.
Curtis a déclaré : "Inclure tout le monde avec des catégories binaires c'est difficile. C'est une question d'inclusivité. En tant que maman qu'une fille trans, je comprends cet enjeu". La nécessité pour la reine Jamie ? "L'inclusivité". Egalement, qu'il y ait "davantage de femmes" au sein de ces cérémonies - clin d'oeil appuyé à la catégorie "Meilleure réalisation" des Oscars, qui cette année snobait fièrement les femmes cinéastes. Amen.