Raphaël Chenuil-Hazan : Cette journée mondiale contre la peine de mort est une initiative française, mise en place par l’association Ensemble contre la peine de mort. Elle est aujourd’hui reconnue internationalement et sert de prétexte et de support pour tous les abolitionnistes dans Le Monde. Le combat contre la peine de mort se mène en effet aussi bien en Europe, car il s’agit d’une lutte qui est au cœur des valeurs européennes, que dans le reste du monde. Ainsi, plus de 200 initiatives militantes, débats, rencontres et conférences seront organisés partout dans Le Monde. Cela permet aux militants de débattre. A Paris, nous donnons rendez-vous sur le parvis de l’Hôtel de ville où un « village abolitionniste » sera inauguré par le maire Bertrand Delanoë.
R.C-H : A l’occasion des adieux au Sénat de Robert Badinter en septembre, nous avons abordé le chemin parcouru en trente ans aussi bien dans la loi que dans les consciences et les esprits, et l’évolution réalisée est flagrante. La France était en 1981 le 35ème pays abolitionniste dans Le Monde, le dernier de l’Europe de l’Ouest. Il y a eu depuis énormément de pays qui ont franchi le pas dans Le Monde. Aujourd’hui la peine de mort est un combat universel. On compte 98 pays abolitionnistes en droit, c’est-à-dire que l’abolition est inscrite dans la loi. Ensuite, 34 autres pays sont abolitionnistes de fait : dans la pratique ils ne condamnent plus et n’exécutent plus, mais l’abolition n’a pas été entérinée dans la loi. Ainsi certains pays comme le Maroc, qui n’ont pas commis d’exécution depuis des années, nous laissent l’espoir d’une abolition dans la loi. Nous suivons de la sorte une marche en avant vers la suppression de la peine de mort année après année.
R.C-H : Il reste 58 pays qui exécutent. Ainsi 527 personnes selon Amnesty International sont mortes cette année, mais dans ces chiffres ne sont pas comptés ni la Chine, ni l’Arabie saoudite ou l’Iran. Nous demandons à ces Etats plus de transparence sur leurs données chiffrées car sans elles, il est d’autant plus difficile ensuite de mener le combat dans ces pays quand il n’y a ni débat ni discussion publique. Restent ainsi aujourd’hui certaines zones géographiques où le combat contre la peine de mort s’annonce très ardu : l’Asie avec la Chine, le Proche et le Moyen Orient et les zones islamiques. Dans ces régions, on condamne et exécute beaucoup. La peine capitale y est instaurée comme outil d’oppression et de répression à l’encontre des hommes, des femmes et même des enfants. Ainsi un jeune garçon iranien de 17 ans, Alireza Molla-Soltani, a été exécuté le 21 septembre dernier, alors que l’exécution de mineurs est formellement condamnée par la cour internationale des droits de l’Homme. La peine de mort a donc des facettes multiples et internationales.
R.C-H : La réintroduction de la peine capitale fait en effet partie du programme du Front national, qui flatte de la sorte les pires tendances de la population. De même, régulièrement depuis trente ans, des propositions de loi sont avancées pour rétablir la peine de mort en France. La dernière en date est de 2004. Les sondages quant à eux montrent une opinion française fluctuante : les Français se déclaraient majoritairement contre la peine de mort en 1968 avant d’être pour dans les années 1970 (environ 65% se disaient pour la peine capitale à cette période). En 2000, la majorité était à nouveau pour l’abolition. Cette année un sondage TNS Sofrès- Le Monde-France Inter indique que 29% des Français seulement soutiennent la peine de mort. Il faut donc bien avoir conscience que les sondages d’opinion sont à prendre avec des pincettes. Quant à une restauration possible de la peine de mort, cela me semble aujourd’hui inenvisageable. Cela reviendrait pour la France à renoncer à une grande majorité des traités qu’elle a signés : le pays devrait sortir de l’Union européenne, du conseil de l’Europe et se délier également d’un certain nombre de conventions et traités internationaux. Cette hypothèse me paraît heureusement aujourd’hui impensable.
Crédit photo : Digital Vision
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