"Quiet quitting". En français, "démission silencieuse". Ainsi appelle-t-on un phénomène relatif au monde du travail dont l'on parle beaucoup sur les réseaux sociaux : le fait de ne faire que le strict minimum au taf. En cette période où bosser est une "valeur" de plus en plus contestée (on l'observe outre-Atlantique avec le phénomène de la "Grande démission"), le "quiet quitting" vient mettre en exergue cette remise en cause de la vie professionnelle.
Tel qu'il est défini, le "quiet quitting" peut s'envisager comme une réponse à une vision du travail très "start-up nation" et... très toxique : cette idée qu'il faudrait se démener en entreprise, répondre à ses mails en dehors de ses horaires de boulot, déborder sur son planning. En somme, se sacrifier complètement à l'idéal "work" quitte à ne plus dissocier sa vie privée de sa vie pro - ce que l'on peut observer lorsque le télétravail est mal employé.
A l'inverse, le "quiet quitting" consiste à respecter scrupuleusement ses heures de travail sans se laisser dévorer par celui-ci. La notion est ainsi volontiers débattue par l'opinion publique : d'aucuns voient là une nouvelle manière d'envisager le taf, et d'autres, une bête normalité. Un anglicisme polémique.
Aussi absurde soit cette dénomination aux yeux de certains, le quiet quitting en dit pourtant long sur notre société actuelle. Et notamment, sur un monde post-Covid. Bien des salariés ont pu témoigner de la perte de sens éprouvée en temps de crise, de l'emploi parfois hasardeux du distanciel, voire remettre en question la place du travail dans leur vie. Et, plus encore, réévaluer l'importance de la santé mentale.
Et c'est justement cette santé que ce phénomène souhaite préserver. "Les adeptes du 'quiet quitting' sont des salariés qui refusent que leur boulot soit au centre de leurs préoccupations. Ils décident alors de ne pas démissionner, mais de ralentir la cadence pour préserver leur santé mentale", décrypte à ce titre à 20 Minutes, Adrien Scemama, responsable de la plateforme d'offres d'emplois Talent.com. En somme, le terme de "démission silencieuse" est hyperbolique, dans la mesure où de démission, il n'est nullement question.
Ce phénomène - qui buzze notamment sur TikTok, plateforme très prisée des jeunes générations - serait ainsi une répartie cinglante à la "culture du burn out", cette idée de "se tuer à la tâche". L'air de rien, cet anglicisme témoigne également d'un écart des générations. Le slogan "le travail, c'est la santé" est devenu un bon mot de "boomer", la culture de l'entreprise a été pointée du doigt pour ses dérives toxiques, la précarité grandissante a mis à mal bien des illusions, et les priorités ont été reformulées.
En outre, des tendances ont pu s'observer, comme le fait de filmer sa démission sur les réseaux sociaux (un "top trending" qui a pris place sur TikTok), et un terme aussi galvaudé que celui de "productivité" a volontiers été déconstruit. On pense par exemple aux nombreux comptes tournant en dérision les publications Linkedin, véritables odes à ce culte du "en faire plus, tout le temps, plus longtemps".
Autant d'éléments qui expliquent que la jeunesse d'aujourd'hui "n'accepte plus de travailler n'importe comment et à n'importe quel prix", relate encore Adrien Scemama. Et n'hésite pas à le faire savoir en respectant scrupuleusement les limites "normales" du cadre professionnel. Et s'ils avaient raison ?