"Il serait formidable que Rouen soit la première ville de France à accueillir, place de la Mairie, une statue ou une oeuvre d'art dédiée à Gisèle Halimi, figure de la lutte pour les droits des Femmes. Le débat est ouvert !". Il résonne délicatement à nos oreilles, ce message de Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de la ville de Rouen. Sur les réseaux sociaux, la dernière intention et consultation citoyenne du politicien progressiste fait rager une certaine frange de l'Internet.
En juillet dernier, une statue de l'empereur Napoléon Bonaparte figurant devant l'hôtel de ville de Rouen avait été déboulonnée dans le but d'être restaurée. Mais le maire PS a eu une idée un brin plus contemporaine : remplacer cette statue familière par celle de Gisèle Halimi, afin d'honorer la mémoire de l'avocate féministe décédée le 28 juillet dernier. De la défense de la jeune Marie-Claire en 1972, adolescente qui, victime d'un viol, avait décidé de se faire avorter, à celle, six ans de plus tard, de deux femmes lesbiennes belges, battues, séquestrées et violées par trois hommes, l'importance de Gisèle Halimi dans l'histoire des droits des femmes n'est plus à prouver.
Elle a porté bien des causes, de l'interruption volontaire de grossesse à la considération du viol comme crime à part entière. Lui dédier une statue coulerait donc de source. D'autant plus que celle de Napoléon squattait la place de l'Hôtel depuis... 1865, déjà. Et que le maire l'assure au Parisien : pas de panique, cette statue sera simplement déplacée ailleurs. Las ! Il n'en fallait pas plus pour échauffer certains esprits...
"Vous proposez d'ériger une statue de Gisèle Halimi en lieu et place de celle de Napoléon. C'est détestable". "On ne touchera pas à l'Empereur". "Personne doit toucher aux statues. Vive l'empereur !". "Si c'est juste pour mettre une figure féminine on a déjà Jeanne d'Arc partout". Sous la publication du maire, bonapartistes anonymes et autres fans de Napoléon ne se privent pas d'exprimer leur véhémence. Jean-François Bures, candidat LR rival aux dernières élections municipales, partage cette désapprobation. "On peut se demander quelles sont les véritables motivations du maire et s'il ne cède pas à la frange la plus extrême de la gauche", fustige-t-il.
Insulte au patrimoine français (auquel Gisèle Halimi n'aurait pas droit, faut-il en déduire), choix idéologique ou opportuniste, acte "d'extrême-gauche", règne de la "bien-pensance" féministe... Les piques des détracteurs s'enchaînent en dépit de la réalité des faits : d'une part, l'installation de cette statue sera actée (ou pas) après une consultation citoyenne, et d'autre part, la statue de Napoléon n'est pas menacée. Mais cela ne suffit pas à apaiser les opposants.
"En voulant expédier la statue de Napoléon sous des cieux moins visibles, le maire écolo-socialiste de Rouen insulte l'histoire de France et son identité. Il y a d'autres lieux en ville pour ériger des statues féminines honorables. Quelle honte !", décoche en ce sens le délégué départemental du RN à Rouen, Guillaume Pennelle, emoji vomi à l'appui (toujours utile pour appuyer son argumentaire). Qu'importe, Nicolas Mayer-Rossignol persiste et signe : "J'assume la dimension symbolique forte de cette proposition", décoche-t-il encore sur Twitter. Voilà qui est dit.