Des rames de métro uniquement réservées aux femmes ? En 2015, le leader britannique du parti travailliste (l'un des plus importants d'Angleterre) Jeremy Corbyn avait proposé d'appliquer cette mesure. Mais l'idée avait été vivement critiquée par des femmes membres de son propre parti.
Deux ans plus tard, le député travailliste Chris Williamson remet le sujet au goût du jour en vantant les mérites de ce dispositif anti-harcèlement. Pour appuyer ses propos, le politicien s'est basé sur les chiffres de la police des transports faisant état du nombre accru des harcèlements sexuels dans les transports publics depuis ces cinq dernières années. Selon ce rapport, 1448 agressions et harcèlements ont été déclarées entre 2016 et 2017, contre 650 incidents entre 2012 et 2013. Mais Chris Williamson ne semble pas rencontrer plus de succès que son collègue. En effet, la proposition ne passe pas.
"Pratiquer ce type de ségrégation dans les transports revient à dire que ces agressions sont inévitables. Ça nous envoie le message selon lequel les hommes harcèleront toujours les femmes et que la seule solution est de restreindre leur liberté pour assurer leur propre sécurité", déplore l'écrivaine féministe Laura Bates, dans une tribune du journal britannique The Independent.
Laura Bates relève également l'ambiguïté d'une telle mesure : "si jamais une femme se fait agresser alors qu'elle se trouve dans un wagon mixte, va-t-elle oser porter plainte ?", questionne-t-elle. Si la féministe considère qu'une telle mesure empiéterait sur la liberté des femmes, elle attire également l'attention sur l'offense faite aux hommes. "C'est extrêmement insultant pour la grande majorité des hommes, car cela revient à les considérer comme des prédateurs sexuels incapables de contrôler leurs propres actes", souligne l'écrivaine.
Laura Bates n'est pas la seule à déplorer la maladresse d'une telle proposition. Pour Jess Philipps, femme politique du parti travailliste, ces rames sont une très mauvaise idée. Sur Twitter, elle commente : "Cela revient à abandonner le combat contre la persécution". "Ça ne serait pas plus pertinent de rendre toutes les rames sûres plutôt que de dire aux femmes où elles doivent aller ?", tweete également Stella Creasy, elle aussi membre du parti travailliste.
L'ancien secrétaire des transports du travail, Lord Adonis, a de son côté déclaré à la chaîne britannique BBC 5 que ces wagons étaient une "idée complètement saugrenue" et que les femmes la considéreraient très certainement comme "extrêmement insultante".
En dépit de ces critiques, Chris Williamson estime toutefois que la proposition vaut la peine d'être explorer, même s'il reconnaît qu'elle ne suffira pas à régler le problème. "Il faut plus d'agents de sécurité dans les transports en commun", admet-il.
L'Angleterre n'est pas le seul pays d'Europe à aborder la question des wagons 100% féminins. L'année dernière, l'Allemagne a sauté le pas avec la décision d'une compagnie ferroviaire de réserver deux wagons aux femmes et aux enfants. Là encore, cette mesure avait suscité de vives réactions. Notamment de la part des associations féministes, qui avaient estimé que la lutte contre le harcèlement sexuel devait non pas être focalisée sur les auteurs d'agressions, mais au contraire apporter des solutions aux victimes.
Si les transports réservés aux femmes ne sont toujours pas d'actualité en France, où 100% des femmes y ont pourtant déjà été victimes de harcèlement, de nombreux pays du monde ont testé leur efficacité sur le long terme. C'est notamment le cas du Brésil, de l'Egypte, du Japon, de l'Inde, de l'Indonésie, de l'Iran, du Mexique et de la Thaïlande.
Pour certains, l'expérience s'est plutôt bien passée. C'est notamment le cas pour le Japon, où les agressions sexuelles dans les transports en commun se font de plus en rares depuis l'installation des rames féminines. Au Mexique aussi, l'initiative a été un succès et les femmes ont tout de suite adhéré.
Mais quand les moyens ne sont pas au rendez-vous ou que la population y est hostile, l'expérience peut également se révéler être un véritable échec, à l'instar de l'Indonésie qui a dû mettre fin à l'opération au bout de 7 mois de test en constant que les rames féminines restaient vides, ou de l'Egypte, où les hommes n'ont pas hésité à transgresser les règles et à s'installer dans les parties du train réservées aux femmes.