Après sa journée de travail vendredi 28 mai, Tara Paillard s'est rendue à la piscine municipale de Besançon pour y faire quelques longueurs. Au bout de 45 minutes de nage, alors qu'elle se dirige vers ses affaires pour se changer, un maître-nageur l'interpelle. La cause de son intervention, lui explique-t-il : son maillot. Ou plutôt, la coupe de celui-ci.
"Il m'a dit : 'Écoutez mademoiselle, je suis désolé de vous dire ça, votre maillot de bain n'est pas conforme. Il est trop échancré'", raconte la jeune femme lors d'une interview face caméra auprès de l'Est Républicain. "Je lui ai indiqué qu'il s'agissait d'un tanga et non d'un string comme l'interdit le règlement qu'il m'a opposé. 'On vous a laissé faire vos longueurs mais la prochaine fois on vous interdira l'entrée au bassin'".
Au journaliste, elle décrit le sentiment qui a suivi le commentaire de l'employé de la ville. "J'ai eu l'impression d'être une gamine de 14 ans alors que j'en ai 27. J'étais simplement là dans un contexte sportif, pour effectuer des longueurs et me vider la tête après le boulot", déplore-t-elle. "Ça fait un an que j'utilise ce maillot. Pas plus tard que la semaine dernière, je suis allée en Suisse aux thermes me baigner. Et personne ne m'a fait de réflexion à ce propos".
La nageuse lâche : "Ça me révolte, quel est le degré d'échancrure toléré ? C'est suivant sa morphologie ? Est-ce qu'un homme subirait la même réflexion ?" Et affirme rapporter à la Ville cet incident par écrit, afin que celle-ci forme davantage ses agents. Car qui plus est, il n'est pas le premier du genre. En juillet dernier justement, une autre jeune femme aurait été victime des mêmes réflexions sexistes, rappelle le journal.
Du côté de la mairie, on garantit présenter rapidement des "excuses" à Tara Paillard. "Le maître-nageur a attendu la fin de sa séance d'entraînement pour aller à sa rencontre et lui indiquer que son maillot semblait disconvenir", assure la directrice du service des sports de Besançon, Nathalie Poral. Il a fait une application du règlement qui est subjective, on ne va pas vérifier les centimètres de maillot de bain".
Et de poursuivre : "Nous allons lui présenter nos excuses et demander à l'ensemble de nos équipes de ne pas intervenir dans ce cadre-là, afin que la saison estivale puisse se dérouler dans de bonnes conditions." Une saison qui se déroulera toutefois sans l'intéressée, qui lâche : "Je ne remettrai plus les pieds dans ce bassin".
Une colère compréhensible, pour une réaction - celle de sexualiser le corps des femmes - tristement banale. En 2018, une touriste s'était par exemple vue refusée l'entrée du Louvre à cause d'une tenue jugée "trop sexy". Même situation, autre visiteuse, au château de Versailles, la même année. En septembre dernier, une autre encore a été refoulée du Musée d'Orsay pour un décolleté qui dérangeait apparemment un employé.
La preuve que la route est encore bien longue, jusqu'à ce que les femmes puissent évoluer dans l'espace public, ou privé, sans encombre.