Un "crime grave". C'est l'expression employée par les procureurs rwandais pour désigner l'attitude de Liliane Mugabekazi, une jeune femme de 24 ans. Ce qui lui est fermement reproché : d'avoir assisté, le 30 juillet dernier, au concert de Tayc à Kigali dans une robe noire pailletée transparente. "Une tenue qui révélait ses parties privées... une tenue que nous qualifierons d'indigne", estiment-ils.
Le 7 août, soit 8 jours après l'événement et qu'un cliché ait été publié par le magazine Igihe qui couvrait la soirée, la jeune Rwandaise a été arrêtée. "Nous avons demandé au tribunal de placer Mme Mugabekazi en détention provisoire pour 30 jours", affirment encore les magistrats.
La prévenue a plaidé non coupable, rappelant d'une part qu'elle ne savait pas qu'elle était photographiée ni que l'image serait relayée, et d'une autre qu'elle avait passé la sécurité sans encombre, ce qui n'aurait pas été le cas si elle avait porté une tenue "indécente", souligne le média féministe Ancré.
Une pétition en ligne a été créée en soutien à cette injustice misogyne, dénonçant une "violation des droits des femmes" et relayée par plusieurs associations. Aux micros des médias locaux en revanche, les membres du gouvernement du président Paul Kagame n'en finissent pas de s'enfoncer dans une culpabilisation crasse.
"Si votre enfant est presque nue et que vous ne faites rien en tant que parent, cela devient un défi. Il faut leur parler et leur enseigner nos valeurs culturelles. Nous avons une culture, que vous avanciez et que vous voyagiez en Amérique, vous avez des valeurs nationales à respecter", a commenté le ministre rwandais de l'administration locale, Jean-Marie Vianney Gatabazi. Pour le porte-parole de la police John Bosco Kabera, il est temps de réprimander "l'immoralité et l'indécence parmi les jeunes".
"Au Rwanda, l'article 143 du code pénal stipule que toute personne qui commet un acte indécent en public, commet une infraction et s'expose à une peine d'emprisonnement d'au moins 6 mois et d'au plus 2 ans", rappelle encore Ancré. Liliane Mugabekazi a finalement été libérée sous caution après 12 jours en attente de son procès, prévu mardi 23 août. Le verdict devrait suivre dans les heures à venir.
Dans un tweet repéré par Néon, le journaliste rwandais Ivan Mugisha estime que les charges vont "probablement" être abandonnées. Et d'ajouter : "L'un des aspects positifs de cette affaire est qu'elle a permis de mettre en lumière la manière dont la police est si prompte à arrêter les femmes pour une soi-disant 'indécence'. Liliane n'était pas la première, mais j'espère qu'elle sera la dernière."